Sans surprise, les procureurs de la Couronne ont accepté dans une forte majorité l'entente de principe intervenue le 21 septembre dernier entre leur association et le gouvernement du Québec.

Réunis en assemblée générale extraordinaire cet après-midi, les 325 procureurs présents - sur un total de 450 - se sont prononcés à 99,4 % en faveur de l'entente. Seuls deux procureurs s'y sont opposés. L'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (APPCP) avait recommandé à ses membres d'accepter l'entente qui prévoit des augmentations du salaire de base allant jusqu'à 20 % lorsqu'on inclut les primes.

Qualifiant l'entente d'«historique», le président de l'APPCP, Me Christian Leblanc, s'est dit très satisfait de cet accord qui permettra, selon lui, de s'attaquer aux problèmes de recrutement et de rétention des procureurs. Le salaire des procureurs nouvellement embauchés sera bonifié grâce à une restructuration de l'échelle salariale qui retranche deux échelons à la base. «Ça va permettre d'avoir un salaire d'entrée plus élevé et d'aller chercher des gens plus expérimentés, a remarqué Christian Leblanc.» L'entente prévoit également une augmentation salariale de 6 % en cinq ans, comme celle qu'a obtenue l'ensemble des employés de l'État.

Impact sur l'UPAC

À cette augmentation s'ajoutera une prime salariale de 10 % pour les procureurs de la Couronne qui accepteront de travailler pour des équipes spécialisées comme l'Unité permanente anticorruption (UPAC) et le Bureau de lutte contre le crime organisé. Rappelons que le printemps dernier, les procureurs avaient boycotté les postes ouverts à l'UPAC pour protester contre la loi spéciale qui les forçait à rentrer au travail. Cette prime sera-t-elle suffisante pour régler les problèmes de recrutement rencontrés par l'UPAC? «On pense que c'est un outil qui est très pertinent et qui va certainement donner un coup de main, croit Christian Leblanc. Évidemment, l'argent, ce n'est pas tout dans la vie. Il faut que l'ensemble des conditions de travail des procureurs soient améliorées. Il faut que le personnel de soutien soit en nombre suffisant.»

Cela pourrait cependant prendre plusieurs mois avant que les effets de cette entente se fassent sentir sur les opérations de l'UPAC. «Les choses ne changeront pas du jour au lendemain, a prévenu Christian Leblanc. Il faut mettre tout ça en place. Juste pour adopter la loi, on va être rendu en décembre. Il faut embaucher des gens. Il faut que les gens s'installent dans leurs nouvelles fonctions. Il va y avoir des impacts positifs, j'en suis certain. À quelle vitesse ça va se faire? C'est spéculatif.»

Plus d'indépendance

Plusieurs procureurs rencontrés s'entendent pour dire que le gain majeur réalisé lors de cette entente est l'adoption d'un nouveau mode de détermination de la rémunération calqué sur celui des juges de la Cour du Québec. Un comité indépendant sera désormais chargé de déterminer les conditions de travail des procureurs, ce qui constitue une reconnaissance du statut quasi judiciaire de ces employés de l'État. Selon Christian Leblanc, cet élément rendra la Couronne «plus indépendante» vis-à-vis du gouvernement. Pour l'obtenir, les procureurs ont accepté un compromis sur les salaires. Ainsi, l'écart salarial entre les procureurs du Québec et ceux du reste du Canada, évalué à 40 %, n'a pas été entièrement comblé.

Les procureurs ont également dû abandonner le droit de grève qui leur avait été accordé, malgré eux, par le gouvernement Landry. «On est tous d'avis que ce n'est pas le rôle d'un procureur de la Couronne d'être dans la rue et de faire la grève», a fait valoir le procureur Danny Lemieux à la sortie de l'assemblée.

Des changements législatifs seront cependant nécessaires à la mise en oeuvre de ce nouveau mode de rémunération. Le gouvernement Charest s'est engagé à déposer un projet de loi à cet effet au plus tard le 15 novembre.

Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, n'était pas disponible samedi pour réagir à l'adoption de cette entente de principe.