La pression augmente encore sur Pauline Marois. Le député de Marie-Victorin, Bernard Drainville, remet en question sa stratégie référendaire et propose 10 changements majeurs pour éviter la débâcle du Parti québécois. Il suggère notamment de laisser à la population le soin de déterminer elle-même le moment où un référendum sur la souveraineté doit avoir lieu.

Selon la proposition de M. Drainville, un référendum aurait lieu si 15% des électeurs (876 000 personnes) signaient une pétition en ce sens. C'est ce qu'on appelle un référendum d'initiative populaire, une idée que le parti a toujours rejetée.

En la ressuscitant, Bernard Drainville prend le contrepied de la stratégie référendaire de Pauline Marois, adoptée par les membres au congrès d'avril. Cette stratégie prévoit qu'un référendum aura lieu «au moment jugé approprié par le gouvernement».

Depuis le congrès, «il y a eu les élections fédérales du 2 mai, la démission de collègues et la chute brutale de nos appuis dans l'opinion publique. La donne a changé», a expliqué Bernard Drainville à La Presse, jeudi. Cet ancien journaliste de Radio-Canada vient de publier sur son site web le fruit des «consultations citoyennes» qu'il a menées au cours de l'été. «Les gens me disent: "Vous avez déjà été le parti du vrai monde, mais vous êtes devenu un parti de l'establishment, un vieux parti." Alors il faut se reconnecter à la population, a-t-il souligné. Dans la situation actuelle, avec les chiffres que nous avons, le Parti québécois s'en va directement dans un mur. On est vraiment dans de gros ennuis. Si on ne fait pas des changements importants, on ne passera pas au travers.»

M. Drainville se défend de mener une campagne en sous-main pour déloger Pauline Marois. «Je ne veux prendre la place de personne. J'appuie Mme Marois. C'est la chef, et j'ai décidé de travailler avec elle. Je vais rester loyal», a-t-il insisté.

Depuis 2002

Le référendum d'initiative populaire avait déjà été proposé - en vain - par l'aile jeunesse du PQ en 2002, puis de nouveau en 2005 par quatre jeunes députés : Jonathan Valois, Alexandre Bourdeau, Stéphan Tremblay et Nicolas Girard (le seul toujours en poste).

En 2005, Pauline Marois, qui aspirait alors à succéder à Bernard Landry, avait affirmé que le référendum d'initiative populaire était «une proposition très intéressante». Mais une fois devenue chef, elle a rejeté cette option. Sa victoire avait été sans équivoque au conseil national du PQ de mars 2008. Seulement trois délégués - dont celui qui avait présenté la proposition, l'ancien chef syndical Marc Laviolette, du SPQ Libre - avaient voté pour ce type de référendum.

Mais Bernard Drainville estime que le PQ «n'a pas le monopole de la stratégie souverainiste» et que le référendum d'initiative populaire «est la meilleure marche à suivre». «Avant d'en arriver à l'indépendance, les souverainistes vont devoir faire la démonstration qu'ils sont dignes de confiance et capables de trouver des solutions aux problèmes du Québec, écrit-il. Les péquistes doivent aussi faire leur mea-culpa et reconnaître qu'ils se sont graduellement éloignés des préoccupations immédiates et légitimes des Québécois. C'est pourquoi une stratégie souverainiste comme celle du référendum d'initiative populaire serait gagnante: elle remet les Québécois au coeur du processus d'autodétermination nationale. Elle aurait aussi l'avantage de permettre aux élus souverainistes de se recentrer sur l'essentiel, de cesser de débattre de la date du prochain référendum et ainsi de sortir de l'attente du "grand soir".»

Bernard Drainville propose également que la ligne de parti ne puisse être invoquée que dans certains cas, comme lorsqu'il est question des engagements électoraux du parti ou aux votes sur le budget. Il veut qu'un «jury citoyen», chapeauté par le Protecteur du citoyen ou le Vérificateur général, «évalue le travail des parlementaires lors de la période des questions et lors des travaux en commission parlementaire». «Ce jury, explique-t-il, aurait le mandat de décerner des mentions et des blâmes. Au bout de - disons - trois blâmes au cours d'une même session, il pourrait y avoir ouverture d'un registre menant à la révocation du mandat du parlementaire.»

Bernard Drainville recommande enfin l'élection du premier ministre au suffrage universel, la réforme du mode de scrutin, l'élargissement du mandat du Vérificateur général, la tenue d'élections à date fixe et la limitation des dons politiques à 100$ par électeur.

Pas une contestation

Pauline Marois «accueille favorablement la démarche et les résultats de la démarche» de Bernard Drainville, assure le président du PQ, Raymond Archambault. Il ne voit pas là de contestation de la chef.

«Je ne crois pas qu'il y ait de campagne en sous-main, a-t-il dit à La Presse, jeudi. Je vois une personne qui veut que certaines choses changent, qui veut que le parti soit à l'écoute des citoyens.»

M. Archambault a refusé de discuter des propositions de M. Drainville. «Certaines sont facilement réalisables, alors que ça peut être plus compliqué pour d'autres», s'est-il contenté de dire. Il a rappelé que la tenue d'élections à date fixe et la limitation des dons politiques à 100 $ par électeur sont déjà dans le programme du PQ. Selon lui, «ce n'est pas parce que le programme a été adopté en avril qu'il ne peut plus évoluer».

«Pauline Marois est ouverte à la discussion», a-t-il ajouté, rappelant que la chef avait elle-même demandé à ses collègues de lui faire des propositions sur des «façons de faire de la politique autrement».

Les propositions de M. Drainville ainsi que celles d'autres députés seront au menu de la réunion du caucus la semaine prochaine à Saguenay.

«Je dirais, sans méchanceté pour quiconque, que je consulte beaucoup mes citoyens dans Drummond mais que je n'appelle pas les médias pour ça», a déclaré de son côté Yves-François Blanchet.

«J'imagine que quelqu'un qui a pratiqué le même métier que vous pendant longtemps est conscient de l'importance des médias et essaie de les inclure dans une démarche», a dit le député de Drummond aux journalistes. M. Blanchet assure toutefois que la lettre de son collègue contient «plein de belles choses».

Le député de Labelle, Sylvain Pagé, voit d'un très bon oeil les propositions de son collègue Drainville. Il peaufine son rapport sur le thème «faire de la politique autrement».

Le député démissionnaire du PQ Pierre Curzi n'a pas rappelé La Presse, mais des sources confirment qu'il adhère à plusieurs idées de M. Drainville, comme celle d'un référendum d'initiative populaire. Jean-Martin Aussant, qui a également claqué la porte du PQ, a indiqué qu'il ne reviendrait pas au parti si les propositions de M. Drainville étaient adoptées.

Avec Paul Journet