Pendant une trentaine d'années, les Québécois ont respecté, à l'exception du bref épisode du gouvernement minoritaire de Jean Charest (2007-2008), l'alternance entre libéraux et péquistes dans un univers politique bipartite laissant peu d'espace à de nouveaux partis. Depuis quelques mois, toutefois, on sent du mouvement, ou des signes de mouvement, sur les plaques tectoniques politiques québécoises qui, soudainement, ne semblent plus aussi figées. Les raisons expliquant ces soubresauts sont multiples: perte de confiance envers le gouvernement libéral, crise interne au Parti québécois, affaissement de l'ADQ, performance remarquée d'Amir Khadir de Québec solidaire, poussée virtuelle d'une solution de rechange proposée par François Legault. La redistribution, la fragmentation même, des forces en puissance à l'Assemblée nationale au cours des derniers mois et les autres mouvements possibles cet automne sur la scène politique démontrent bien la fragilité de la traditionnelle répartition 80-45 entre deux partis immuables. À l'approche d'une rentrée parlementaire chargée, où en sont les partis et que leur réserve l'automne? Vincent Marissal trace le portrait de la situation.

PARTI LIBÉRAL DU QUÉBEC, 65 députés (ce parti forme le gouvernement)

Jean Charest, Premier ministre (Sherbrooke)

Contrairement à leurs adversaires péquistes, les libéraux sont disciplinés et font preuve d'une unité peu commune en politique, même dans les pires moments, ce qui explique en grande partie que Jean Charest soit encore si bien en selle et qu'aucun prétendant n'ose montrer le bout de son nez. Depuis les élections de décembre 2008, Jean Charest n'a perdu qu'un seul député (Tony Tomassi, chassé du cabinet et du caucus pour une affaire éthique). Malgré des moments difficiles, aucun député ne menace ou n'a menacé de quitter le navire.

Au sein de l'électorat, le taux de satisfaction envers le gouvernement Charest demeure très faible, mais le PLQ a repris du poil de la bête dans les intentions de vote ce printemps en raison des problèmes internes du PQ. Les libéraux restent toutefois faibles chez les francophones et l'ombre d'un éventuel parti de François Legault menace la fragile remontée du parti de Jean Charest.

PARTI QUÉBÉCOIS, 46 députés

Pauline Marois, Chef de l'opposition officielle (Charlevoix)

Depuis les élections, Pauline Marois a perdu six députés (cinq démissionnaires - Louise Beaudoin, Pierre Curzi, Lisette Lapointe, Jean-Martin Aussant et Benoît Charette - et un expulsé du caucus (René Gauvreau) en raison d'une enquête visant son ex-attaché politique). Un gros morceau du caucus péquiste, François Legault, a démissionné en juin 2009, tournant le dos à la souveraineté et il pourrait maintenant lancer son propre parti. Les problèmes de Mme Marois ne sont peut-être pas terminés parce qu'on sent du mou dans les troupes, ébranlées par les démissions et la création de nouvelles factions souverainistes à l'extérieur du PQ. Plusieurs députés ont exigé des changements au fonctionnement du PQ ou remettent en question l'approche de «gouvernance souverainiste» de Mme Marois.

INDÉPENDANTS, 9 députés

Jean-Martin Aussant (Nicolet-Yamaska)

Louise Beaudoin (Rosemont)

Éric Caire (La Peltrie)

Benoit Charette (Deux-Montagnes)

Pierre Curzi (Borduas)

René Gauvreau (Groulx)

Lisette Lapointe (Crémazie)

Marc Picard (Chutes-de-la-Chaudière)

Tony Tomassi (LaFontaine)

ACTION DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC, 4 députés

Gérard Deltell (Chauveau)

Aux élections de décembre 2008, l'ADQ est passée d'opposition officielle avec 39 députés à troisième parti avec seulement 7 élus. Mario Dumont est parti, deux autres députés siègent maintenant comme indépendant, ce qui ne laisse que quatre députés à l'ADQ. L'avenir de l'ADQ est maintenant intimement lié à celui de... François Legault, qui devrait lancer son parti sous peu. Ou l'ADQ se dissout dans le nouveau parti de M. Legault ou elle tente de faire campagne seule, courant le risque de diviser les votes de centre droit dans les quelques circonscriptions où elle jouit d'un certain soutien.

QUÉBEC SOLIDAIRE, 1 député

Amir Khadir (Mercier)

La popularité d'Amir Khadir, seul député de QS à l'Assemblée nationale, rejaillit sur son parti, qui a gagné des points dans les intentions de vote, mais pas assez pour espérer une récolte significative de sièges. Seul parti résolument à gauche, QS pourrait profiter de la congestion à droite et des problèmes du PQ. Le meilleur allié de QS pour le moment, c'est le désabusement de l'électorat envers les partis traditionnels.

MOUVEMENT, COALITION, PARTIS...

Coalition pour l'avenir du Québec

Le groupe de François Legault recrute du nouveau personnel, étudie des candidatures et ramasse (un peu) d'argent. Après avoir consulté, discuté, préparé et présenté ses priorités, M. Legault arrive à la croisée des chemins: former ou non un nouveau parti. Selon toute vraisemblance, c'est ce qu'il fera dans les prochains mois, peut-être avant si Jean Charest devait décider de forcer des élections cet automne. Jouissant d'un fort capital de sympathie dans les sondages, François Legault courtise à la fois les souverainistes résignés au statu quo, les anciens adéquistes déçus, les libéraux démobilisés et les électeurs à la recherche du «changement».

Nouveau Mouvement pour le Québec

Ce n'est pas encore un parti, et cela ne le deviendra peut-être jamais, mais le Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ) fondé par des souverainistes est un sérieux pavé dans la mare du PQ. Qu'il demeure un regroupement de dissidents actifs ou qu'il se constitue en nouveau parti, le MNQ ne peut que faire mal au PQ.

Option Québec

Le député Jean-Martin Aussant a fait enregistrer ce nom de parti au cas où... Autre mauvaise nouvelle pour Pauline Marois. Parti québécois, Québec solidaire, Nouveau Mouvement pour le Québec et Option Québec, ça fait quatre partis ou groupes politiques dans la plate-bande souverainiste.