Le Conseil du Trésor a ordonné mercredi à Infrastructure Québec (IQ) de réviser tous les travaux de construction et d'aménagement du projet de train de banlieue entre Montréal et Mascouche. Selon les informations obtenues par La Presse, les coûts estimés de ce projet de l'Agence métropolitaine de transport (AMT) ont littéralement explosé, passant de 478 millions à l'automne de 2010 à environ 665 millions en janvier 2011.

En entrevue mercredi, la présidente du Conseil du Trésor du Québec, Michelle Courchesne, a déclaré qu'aucun nouveau contrat ne serait accordé et aucun nouvel appel d'offres ne serait lancé par l'Agence métropolitaine de transport dans ce dossier, jusqu'à ce qu'Infrastructure Québec ait achevé l'examen du projet et soumis un plan d'affaires final au gouvernement du Québec. Le rapport est attendu en décembre. D'ici là, et bien que Mme Courchesne ait refusé d'employer le terme, ce projet de train de banlieue, connu sous le nom du train de l'Est, demeurera sous la tutelle d'Infrastructure Québec.

La présidente du Conseil du Trésor a toutefois insisté sur le fait que Québec n'a pas l'intention de stopper ni d'annuler le projet du train de l'Est. Celui-ci ira de l'avant, assure-t-elle, en vertu des engagements pris par Québec en faveur de l'amélioration des services de transports collectifs et en fonction des objectifs provinciaux de réduction des gaz à effet de serre. «En décembre, assure Mme Courchesne, on pourra dire exactement, de façon précise, combien va coûter le train de l'Est et combien va coûter chacun des éléments qui se sont ajoutés» depuis l'annonce du projet, en 2006.

«On va suspendre le processus d'appels d'offres, a ajouté Mme Coucherne, jusqu'à ce que nous recevions un plan d'affaires final d'Infrastructure Québec, et on relancera le processus en ayant les plans et devis complets et définitifs, les évaluations de coûts et les analyses de risque. En fait, ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'on va s'assurer qu'on a un contrôle sur les chantiers, un contrôle sur les coûts, et un contrôle sur les risques.» Les coûts ne devaient pas dépasser 390 millions en vertu du budget initial accordé au projet par Québec en avril 2008.

Dans l'intervalle, les travaux entrepris en vertu des contrats déjà accordés vont se poursuivre, a-t-elle assuré. Selon Mme Courchesne, Québec est déjà engagé pour un total de 280 millions dans l'aménagement du train de l'Est.

Un tracé de 51 km

Le train de l'Est est le plus important projet de transports en commun en cours dans la région de Montréal. Il reliera l'île de Montréal aux villes de Mascouche, Terrebonne, Charlemagne et Repentigny, dans Lanaudière. Pour ce faire, l'AMT projette un nouveau tronçon ferroviaire, appelé le «tronçon nord», qui sera à usage exclusif des trains de banlieue. La conception et la construction éventuelle de ce tronçon sont les principale causes de l'explosion des coûts.

«Nous sommes devant un projet qui est très différent de celui qui a été annoncé en 2006, a affirmé mercredi la ministre Courchesne. Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) a formulé des recommandations précises et incontournables sur la sécurisation des gares et le contournement de l'usine de munitions de General Dynamics, et il a demandé des mesures additionnelles sur le plan de l'environnement sonore et d'autres normes environnementales.»

De plus, Mme Courchesne a précisé que le ministère des Transports a mené de nombreuses études relatives à la sécurité du trajet du futur train par rapport au trafic automobile sur l'autoroute 640. Selon elle, le MTQ a exigé de l'AMT qu'elle modifie la configuration de l'échangeur qui permettra au train de s'insérer au milieu de l'emprise autoroutière. Le CN a aussi exigé des modifications et des ajouts majeurs au projet avant d'autoriser le train à emprunter ses voies ferrées, qui sont prioritairement destinées aux trains de marchandises.

Ces nombreux changements se sont avérés «beaucoup plus complexes, techniquement, que ce qu'on aurait pu croire», selon la présidente du Conseil du Trésor.

Non assujetti

Depuis 2008, tous les projets de plus de 40 millions financés par Québec sont assujettis à une politique-cadre sur l'évaluation des coûts. Cette politique oblige les organismes d'État à présenter un plan d'affaires de leurs projets, comprenant des estimations de coûts détaillées, des précisions quant au modèle de gouvernance proposé pour leur réalisation, et une nomenclature de tous les aspects d'un projet qui sont susceptibles d'en faire augmenter les coûts pendant sa réalisation (les analyses de risque). Depuis 2010, c'est l'agence gouvernementale Infrastructure Québec qui approuve les plans d'affaires de tous les projets publics d'infrastructures avant leur autorisation par le Conseil du Trésor.

Le projet de train de l'Est, lancé en 2006, n'était pas assujetti à cette politique-cadre, mise en place deux ans plus tard.

«Mais étant donné la nature et l'importance du projet, on veut s'assurer que la gouvernance, la gestion du projet et l'analyse de risque soient faites comme Infrastructure Québec l'a fait pour le CHUM et le CUSM, et comme elle va le faire pour l'amphithéâtre de Québec et le projet de l'échangeur Turcot. C'est dans ce sens-là qu'Infrastructure Québec va devenir un partenaire important de l'AMT» dans la gestion du train de l'Est, a expliqué Mme Courchesne, en refusant de parler de tutelle.

La ministre a aussi refusé de préciser le total de la plus récente évaluation des coûts du train de l'Est produite par l'AMT. Mais elle n'a pas nié les informations obtenues par La Presse selon lesquelles ces coûts sont aujourd'hui estimés à 665 millions, 70% de plus que le budget initial.