Le Québec s'est entendu mardi avec les autres provinces et le fédéral pour adopter une «approche collaborative» en matière d'énergie.

Cette approche ouvre la porte à une stratégie nationale de l'énergie. Malgré tout, la ministre des Ressources naturelles du Québec, Nathalie Normandeau, assure qu'elle s'oppose encore à une telle stratégie, qui réduirait la liberté d'action du Québec.

Mme Normandeau participait mardi à la dernière journée de la rencontre des ministres de l'Énergie et des Mines du Canada, à Kananaskis en Alberta. Ses homologues de l'Ontario et de la Colombie-Britannique n'y assistaient toutefois pas. La prochaine rencontre se déroulera à l'Île-du-Prince-Édouard en septembre.

Avec le fédéral, les provinces participantes se sont entre autres engagées à simplifier la réglementation en éliminant les doublons entre les différents paliers de gouvernement.

Elles veulent aussi améliorer l'efficacité énergétique dans plusieurs secteurs, élaborer un plan pour promouvoir la recherche des nouvelles technologies vertes dans six secteurs dont les gaz de schiste et trouver de nouveaux marchés pour les exportations énergétiques.

Il est notamment question des sables bitumineux, dont près de 98% des exportations vont aux États-Unis. Les ministres veulent encourager la construction de deux pipelines vers la Colombie-Britannique, afin d'expédier ensuite la ressource à l'Asie. Des communautés autochtones s'y opposent toutefois.

Mme Normandeau indique que l'application de tous ces principes est «flexible» et reste à être définie. Elle ajoute que Québec fera respecter ses champs de compétence.

«Le Québec va être extrêmement vigilant. On n'est pas dupe, là. C'est la première fois que le fédéral souhaite faire adopter un cadre canadien en matière de collaboration en matière de l'énergie. Et on pense que c'est un premier pas vers une stratégie encore plus centralisée», dénonçait-elle la semaine dernière à La Presse Canadienne.

Le nouveau ministre fédéral des Ressources naturelles, Joe Oliver, espère faire avancer son projet de stratégie nationale de l'énergie. Dans les années 80, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau s'était aliéné l'Ouest du pays avec un tel programme. La version de M. Oliver semble plus favorable aux intérêts de l'Ouest. Le communiqué final de la rencontre affirme que «les sables bitumineux de l'Alberta sont une source d'énergie fiable, durable et importante pour approvisionner la planète».

Non au Bas-Churchill

Dans «l'approche collaborative» adoptée par Québec, les ministres proposent «d'accroître les débouchés, sur les marchés américains, pour l'électricité propre et renouvelable du Canada, y compris l'hydroélectricité».

La ministre Normandeau tient toutefois à rappeler qu'elle s'oppose encore au financement fédéral au projet de la centrale hydroélectrique du Bas-Churchill, qui s'élève à plus de 6 milliards $.

Les Conservateurs ont promis une garantie de prêt de 4,2 milliards pour construire des câbles sous-marins qui achemineront l'électricité de la centrale de Terre-Neuve-et-Labrador à la Nouvelle-Écosse, puis au reste desMaritimes et des États-Unis. Cette garantie de prêt permettra à la province d'économiser environ 200 millions $. Mme Normandeau y voit une «concurrence déloyale» à Hydro-Québec, qui n'a jamais reçu d'argent du fédéral pour transporter son électricité.

En 2007, le Conseil de la fédération adoptait aussi sa Vision partagée de l'énergie au Canada. Les provinces recommandaient entre autres de «développer et améliorer un ensemble de réseaux de transmission et de transport d'énergie pour le marché intérieur et l'exportation/importation qui soient modernes, fiables, sécuritaires pour l'environnement et efficaces».

Premier pas dangereux, dit le PQ

Sylvain Gaudreault, critique du PQ en matière d'Énergie, dénonce la collaboration entre les provinces. «On se rapproche malheureusement d'une stratégie nationale de l'énergie et d'un empiètement dans les compétences du Québec». Tout comme Équiterre, Greenpeace et le Sierra Club, M. Gaudreault déplore aussi que l'Association canadienne des producteurs pétroliers et le Oil Sands Developers Group aient subventionné en partie la rencontre de deux jours.

L'Institut canadien de politiques énergétiques, dont plusieurs membres sont des pétrolières, a émis un communiqué pour féliciter les positions adoptées par les provinces.