Le gouvernement du Québec pourrait réclamer à Ottawa le pouvoir de gérer son propre registre des armes à feu si jamais les conservateurs décident d'abolir ce système à travers le Canada.

Des fonctionnaires québécois plancheront cet été sur un «plan B» afin de préserver ce programme d'enregistrement pour les armes d'épaule, que le premier ministre Stephen Harper a promis de passer à la trappe.

Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a déclaré à La Presse Canadienne que toutes les options sont étudiées, mais que la priorité demeure de plaider pour qu'Ottawa renonce à mettre ses menaces à exécution.

«C'est sûr que les gens du ministère ont reçu comme commande de regarder l'ensemble de l'oeuvre et de voir de quelle façon on pourrait réagir en fonction des diverses circonstances», a-t-il dit lors d'une entrevue.

M. Dutil a expliqué que son collègue Pierre Moreau, ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, est chargé de faire pression sur le gouvernement fédéral dans ce dossier.

«Pour l'instant il y a encore une loi, le projet de loi fédéral n'est pas encore déposé, donc on n'en a pas vu le contenu, et nous on pense qu'on a malgré tout de bons arguments pour le maintien de ce registre pour les armes d'épaule», a-t-il dit.

Lors de la campagne électorale fédérale de 2008, le premier ministre Jean Charest avait réclamé aux partis le maintien du registre ainsi qu'un renforcement du contrôle des armes à feu.

M. Charest avait affirmé que dans le cas contraire, son gouvernement exigerait une délégation de pouvoir pour atteindre ces deux objectifs.

M. Dutil a affirmé que les intentions du gouvernement demeurent les mêmes depuis 2008.

«Nos positions n'ont pas changé, a-t-il dit. Ce qui a changé, c'est que maintenant il y a un gouvernement majoritaire à Ottawa qui s'est engagé à abolir le registre pour les armes d'épaule. C'est le gros changement. Il faut bien sûr être réaliste et tenir compte de cette possibilité.»

Durant la dernière campagne électorale, M. Harper a répété que le système d'enregistrement devait être aboli parce qu'il est «coûteux et inutile».

Le discours du Trône de juin dernier a fait écho à cette promesse. Le gouvernement conservateur, maintenant majoritaire, s'est engagé à déposer un projet de loi pour l'élimination du registre, une initiative incluse dans ses mesures d'aide «aux communautés rurales».

Alors que des regroupements de chasseurs se sont déjà réjouis de cette perspective, M. Dutil a affirmé que Québec n'a pas dit son dernier mot dans ce dossier.

«Nous, ce sur quoi on travaille, c'est: est-ce qu'il y a un impact positif du registre des armes à feu pour la diminution du crime, des suicides; est-ce que les policiers utilisent ce registre; est-ce que ce registre est intéressant pour contrer les divers crimes. La réponse est oui, c'est intéressant de maintenir le registre.»

M. Dutil s'est aussi attaqué aux critiques formulées envers le processus d'enregistrement.

«J'ai regardé de quelle façon on procède et, effectivement, ce n'est pas compliqué et ce n'est pas long», a-t-il dit.

Après plusieurs tentatives, les conservateurs avaient réussi à déposer l'an dernier un projet de loi privé pour abolir le registre. Cette initiative a cependant échoué, à la suite d'un vote très serré aux Communes.

M. Dutil a rappelé que plusieurs Québécois sont favorables au maintien de l'enregistrement des armes d'épaule, contrairement aux résidents de l'Ouest.

«Ici la majorité n'est pas favorable à l'abolition», a-t-il dit.