Le bras droit administratif du premier ministre, Gérard Bibeau, le secrétaire général du gouvernement, n'attend que la fin de la session parlementaire pour faire savoir qu'il quittera bientôt ses fonctions.

La Presse a appris qu'il succédera à Alain Cousineau, président et chef de la direction de Loto-Québec, qui prendra sa retraite à la fin de l'été. M. Cousineau, ancien patron de Secor, avait été l'organisateur de la première campagne de M. Charest au PLQ, en 1998. Il avait été une des premières nominations d'importance du gouvernement libéral lorsqu'il a repris le pouvoir, en 2003.

Au début du mois de février, La Presse avait déjà annoncé que le départ du chef de cabinet du premier ministre, Marc Croteau, serait suivi de celui de Me Bibeau, nommé à la tête d'une société d'État. Après avoir changé de chef de cabinet, M. Charest avait nié catégoriquement le départ du premier fonctionnaire, une assurance qu'il avait donnée devant le forum des administrateurs de l'État, réunis chaque mois à huis clos.

Le départ de M. Bibeau est susceptible de raviver les rumeurs quant à l'avenir de Jean Charest. Les membres de la garde rapprochée, à cause de leur poste, sont avertis à l'avance des tsunamis politiques. Dans ce cas, chez le premier ministre, on se prépare déjà à expliquer que M. Bibeau a passé cinq ans à ce poste réputé très exigeant - une sorte de record. Son prédécesseur, André Dicaire, avait, lui, duré deux ans à ce poste de fonctionnaire de choc, l'équivalent du sous-ministre du premier ministre, le patron de tous les fonctionnaires.

Succession

Dans les officines libérales, on parie déjà sur le successeur de M. Bibeau. Denys Jean, secrétaire du Conseil du Trésor, a été sous-ministre dans plusieurs postes névralgiques, dont à l'Environnement et aux Transports. Il a aussi un passé politique: il a été au cabinet de Marc-Yvan Côté, où il a bien connu Luc Bastien, devenu en février le chef de cabinet de M. Charest. Un autre vétéran s'est manifesté: Normand Bergeron, longtemps sous-ministre, avait été catapulté comme président d'Infrastructures Québec (où il avait presque doublé son salaire) à la suite du départ forcé de Pierre Lefebvre, le protégé de Monique Jérôme-Forget, moins malléable.

Gérard Bibeau n'est pas connu du grand public - il a fait une brève apparition à la commission Bastarache en septembre 2010. Son nom avait été mentionné aussi dans le dérapage informatique de la CSST, un contrat de 47 millions alloué à DMR-Fujitsu. Il était président de l'organisme au moment de l'attribution du contrat et avait produit une lettre pour se retirer des délibérations; sa femme, architecte en systèmes informatiques, travaillait à DMR.

Surprise

Son départ pour Montréal surprendra ceux qui le connaissent bien et qui étaient convaincus qu'il ne quitterait jamais Québec, où il a passé toute sa vie professionnelle. On le destinait à la présidence de la Régie des rentes, dont le président, André Trudeau, n'attend qu'un signe pour prendre une véritable retraite.

Mais certains chiffres pèsent plus lourd que les 250 km qui séparent les deux villes. Alain Cousineau, le patron de Loto-Québec, avait un salaire de 302 000$ l'an dernier, sans compter environ 50 000$ de primes - une hausse de 11% en deux ans. Comme premier fonctionnaire, Bibeau touche 238 000$ cette année.

Longue feuille de route

Son père, agriculteur près de Sorel, était devenu l'homme de confiance de la famille Simard, dont l'une des filles, Andrée, était la femme du regretté Robert Bourassa.

Dès la vingtaine, M. Bibeau avait été appelé comme employé politique dans les cabinets libéraux sous Robert Bourassa. On le retrouve comme chef de cabinet d'Yves Séguin, au Travail et au Revenu, puis il occupe les mêmes fonctions sous Norman Cherry au Travail. Il prendra congé pour faire son barreau et ira par la suite au cabinet de Robert Bourassa. Les liens qu'il a cultivés avec les syndicats et les patrons, au ministère du Travail, lui permettent d'atterrir en douceur comme vice- président de la CSST. Lorsque les libéraux reprennent le pouvoir, en 2003, on lui confie la hache: il sera brièvement responsable des emplois supérieurs, celui qui a le fardeau d'annoncer leur congédiement aux mandarins, à Québec, quand le pouvoir change de mains. Son mandat réalisé, il revient à la CSST, à titre de président cette fois, avant d'être appelé comme premier fonctionnaire après qu'André Dicaire eut connu de sérieux ennuis de santé.