Les juristes du ministère des Affaires municipales remettent en question la légalité de l'entente conclue par le maire Régis Labeaume avec Quebecor pour la gestion du futur amphithéâtre.

Autre tuile pour le maire: l'Assemblée nationale n'étudiera vraisemblablement pas son projet de loi privé qui vise à empêcher toute contestation judiciaire de l'entente. Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a refusé hier de donner son appui, essentiel, au dépôt d'une telle loi spéciale avant l'ajournement des travaux en juin. Il changerait son fusil d'épaule seulement si M. Labeaume apporte des «modifications assez substantielles» à l'entente, une option que le maire a déjà écartée.

À la sortie d'une réunion du caucus libéral hier, le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, a reconnu que «sur la légalité de l'entente, il existe encore des différends» entre les juristes de son ministère et ceux de la Ville de Québec.

Selon lui, l'entente pose problème parce qu'elle prévoit le fractionnement de baux, par un organisme à but non lucratif désigné par Quebecor, pour l'exploitation de différentes activités comme la billetterie, les concessions alimentaires, la location de l'édifice et sa désignation.

Le maire Labeaume a justifié l'octroi du contrat sans appel d'offres par le fait que la gestion du nouvel amphithéâtre est confiée à un OSBL. Quebecor en serait le locataire.

«Faire un bail, tout le monde convient que la Ville a le droit. Sur la façon dont c'est fait, les deux groupes de juristes ont des visions divergentes. Quand tu morcelles toutes les activités, est-ce que c'est toujours dans l'esprit de la loi?», a affirmé M. Lessard, sans autres explications. Son cabinet n'en a pas donné davantage.

De son côté, Régis Labeaume martèle que son entente avec Quebecor est légale. Il reconnaît toutefois que les juristes ne s'entendent pas sur la légalité du contrat. «Mettez dix avocats, et cinq vont dire blanc, cinq vont dire noir. On a fait quelque chose de différent, qui n'est pas dans le corridor traditionnel. On tombe dans l'interprétation. Mais on ne peut passer notre vie dans l'interprétation. On n'avancera pas si on attend que les avocats soient unanimes», a-t-il lancé.

Loi spéciale

Lundi, Régis Labeaume a demandé à l'Assemblée nationale d'adopter d'urgence, avant l'ajournement des travaux en juin, une loi pour mettre son entente à l'abri de toute poursuite judiciaire. Au cours des dernières semaines, Denis de Belleval, ancien ministre péquiste et ex-directeur général de la Ville de Québec, a affirmé que l'entente est illégale. Il a manifesté son intention de la contester devant les tribunaux.

Le projet de loi du maire est parrainé par le Parti québécois. La députée Agnès Maltais, qui devrait le déposer la semaine prochaine, croit que l'entente est légale, qu'«il n'y a pas de malversation». Le projet de loi doit obtenir l'appui unanime des députés pour être étudié par l'Assemblée nationale. Il en est ainsi parce que le délai est expiré pour déposer de nouveaux projets de loi qui pourraient être adoptés avant l'ajournement des travaux, en juin.

Laurent Lessard a indiqué que le gouvernement Charest est prêt à étudier le projet de loi en commission parlementaire. Mais il n'a pas garanti que les libéraux vont l'appuyer. Les députés indépendants Éric Caire et Marc Picard veulent voir l'avis juridique du ministère des Affaires municipalités avant de prendre position. Les députés adéquistes ont demandé au maire de consulter des «documents supplémentaires» qu'ils n'ont pas voulu déterminer.

Entretien avec Khadir

Régis Labeaume aura un entretien demain avec Amir Khadir. Lundi, Régis Labeaume a fermé la porte à toute modification de l'entente comme le demande le député de Mercier. «Il n'est pas question que l'État québécois, la Ville de Québec, et les citoyens de Québec paient pour assurer la rentabilité d'un plan d'affaires à un milliardaire qui n'en a pas besoin. M. Péladeau est assez riche pour se débrouiller», a souligné M. Khadir. «Il faut mettre fin à cette espèce de culture publique où les décideurs publics pensent que l'État doit servir les grands entrepreneurs, doit être un véhicule pour leur offrir des subventions.» En cas d'échec de son opération, le maire Labeaume pourrait revenir à la charge avec son projet de loi à l'automne, alors que l'unanimité des députés ne sera pas requise pour que l'Assemblée nationale l'étudie.