Le nombre d'agressions sexuelles dans les communautés du Nord-du-Québec est 10 fois plus élevé que ne l'indiquent les statistiques du ministère de la Sécurité publique. Le ministre Robert Dutil estime que de telles lacunes sont «anormales» et devraient être corrigées.

«Les chiffres ne sont pas rentrés, je l'ai appris dans le journal (La Presse d'hier). Ce n'est pas normal. Si on veut avoir le tableau complet d'une situation, savoir où on s'en va, il faut avoir les statistiques», a soutenu M. Dutil. Selon les chiffres transmis à La Presse par l'Administration régionale Kativik (ARK), il y a eu 293 agressions sexuelles sur son territoire en 2010, un chiffre tout à fait incroyable si l'on tient compte de la population - environ 10 000 personnes.

Le nombre d'agressions sexuelles a grimpé en flèche dans le Nord depuis trois ans, selon les statistiques de l'ARK: on a signalé 198 cas en 2008, 10 fois plus que dans les statistiques du Ministère. On a compté 253 cas en 2009 et 293 l'année suivante.

La Presse a révélé hier que les statistiques publiées par le ministère de la Sécurité publique restent muettes sur ce problème, chronique, dans le Nord-du-Québec. En 2008, on évaluait par exemple à 22 seulement le nombre d'agressions sexuelles.

Julie Grenier, porte-parole de l'ARK, ne s'explique pas que Québec ne compile pas ces données. L'administration de Kuujjuaq transmet chaque année ses statistiques au ministère de la Sécurité publique. «On a nos statistiques, elles sont complètes et elles sont justes. Ce n'est vraiment pas ce qu'on trouve sur le site du Ministère», observe-t-elle.

Les chiffres compilés dans la région donnent un tableau fort inquiétant. En 2009, le taux d'agressions pour 100 000 habitants atteint près de 3000 cas, deux fois plus que sur la Côte-Nord, qui se classe deuxième dans ce triste palmarès, et six fois plus que dans des régions comme Montréal ou Québec.

Les intervenants auprès des autochtones estiment que ce n'est que la pointe de l'iceberg, puisque bien peu d'agressions débouchent sur une plainte formelle à la police dans ces communautés nordiques, confie un fonctionnaire sous le couvert de l'anonymat.

La police locale, depuis 2008, tient compte des circonstances des agressions - 119 des 293 agressions commises en 2010, par exemple, étaient liées à la consommation d'alcool.