Autochtones et environnementalistes sont partagés devant le Plan Nord présenté hier par le gouvernement Charest. Si les Premières Nations estiment qu'il n'y a pas eu de véritable consultation et que l'annonce d'hier est «prématurée», Matthew Coon Come, chef du Grand Conseil des Cris, en revanche, a déclaré que les Cris appuient le Plan Nord: «Nous allons faire des efforts pour que ce territoire soit développé avec le Québec.»



«Partenaire» du Plan Nord au même titre qu'Hydro-Québec ou l'Association des mines, le chef Coon Come était au coeur de l'opposition au projet de Grande-Baleine. Puis, au terme de longues négociations, il avait conclu la paix des Braves sous Bernard Landry. «Les années 70 sont terminées, a-t-il dit. Il y a 20 ans, c'était Grande-Baleine, aujourd'hui, c'est une nouvelle ère! À l'époque, Québec annonçait des projets sans nous consulter. Désormais, nous sommes partenaires et nous apportons notre contribution», a résumé M. Coon Come, lisant laborieusement une déclaration en français.

«Chaque Nation doit décider de ce qui est bon pour elle. Si vous ne comprenez pas que l'essence de la négociation est un compromis, vous n'allez nulle part», a-t-il déclaré.

Autre son de cloche

D'autres groupes jugent que l'annonce aurait dû attendre des négociations plus complètes. Ghislain Picard, chef de l'Assemblée des Premières Nations, qui regroupe les 43 chefs autochtones du Québec et du Labrador, avait décidé de ne pas participer à l'annonce parce qu'il refusait «de participer à un processus qui ne correspond pas encore adéquatement aux attentes de toutes les Premières Nations concernées».

À son avis, il n'y a pas eu de consultations avec les Autochtones, laissés de côté dans un processus qui risque d'avoir un impact important sur leurs droits. «Le processus est incomplet et très décevant», a-t-il dit.

Roméo Saganash, nouveau député néo-démocrate d'Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou, estime que le plan doit respecter le cadre juridique signé avec les Cris et les Inuits, la paix des Braves et la Convention de la Baie-James. «C'est notre police d'assurance», a-t-il dit. M. Saganash a longtemps été conseiller au Grand Conseil des Cris. «Il reste beaucoup de travail à faire là-dedans. Cela va ouvrir le territoire, mais il y a une maturité politique qui existe aujourd'hui chez les Cris et les Inuits», a-t-il souligné.

«Les Innus ne se sentent pas parties prenantes dans ce projet, estime pour sa part Armand Mackenzie, conseiller juridique des Innus, communauté de 16 000 personnes concentrée sur la Côte-Nord. Il n'y a pas eu de discussion de fond avec Québec. Or, la question territoriale n'est pas réglée après 40 ans de discussions. Les Inuits ont des investissements financiers tangibles - 840 logements -, mais nous, on n'a pas ça... On veut le même pendant en termes économiques ou politiques que ce qui a été accordé aux Cris et aux Inuits.»

Tout pour les minières?

Les environnementalistes sont aussi partagés. Christian Simard, de Nature Québec, s'oppose fortement au Plan Nord. «C'est un plan d'encadrement pour un boom minier», résume-t-il. À son avis, Québec paiera des infrastructures que les minières, compte tenu des prix élevés des métaux, auraient construites de toute façon. «La demande est énorme pour nos minerais, et le gouvernement ne veut pas résister au chant des sirènes», lance-t-il. Le gouvernement cautionne «le pillage des ressources, une vente de feu pour attirer le maximum d'entreprises, le temps d'une génération».

«On va nous tartiner des déclarations sur le développement réel, mais c'est plus cosmétique que durable». Québec s'engage à maintenir 50% des territoires en «aires protégées» vierges de toute exploitation, mais l'environnementaliste estime qu'il s'agit plutôt de 17 à 20%.

«On va faire des routes pour les mines, des aéroports pour les mines, des infrastructures pour les mines, mais on ne sait pas ce qu'on fera avec les problèmes sociaux qui apparaîtront», lance-t-il.

Pour faire contrepoids, le gouvernement Charest avait invité le PEW Environment Group, une organisation environnementaliste américaine qui n'a pas de représentant au Québec. Selon Matthew Jacobson, le Plan Nord «présente un engagement à protéger 600 000 km2 de toute activité industrielle, une superficie équivalente au double de l'ensemble des parcs nationaux américains». «Nous sommes optimistes. Ce sera difficile, mais c'est la première fois qu'on voit un projet aussi ambitieux. Ailleurs dans le monde, on a exploité jusqu'à manquer d'espace et on a protégé après coup. Ici, on tente de protéger tout en exploitant, c'est une approche inédite, intelligente», observe l'Américain.

Suzanne Méthot, directrice québécoise de l'Initiative boréale canadienne, organisme signataire du Plan Nord, estime que le Plan donne «des orientations et des objectifs qui, s'ils sont bien mis en oeuvre, permettront de protéger l'intégrité des écosystèmes du Nord». Elle entend veiller à ce que le gouvernement passe de la parole aux actes au moment des consultations sur la protection de 50% du territoire visé.