Pas de lettre revendicatrice, de liste d'épicerie ni de sortie vitriolique.

Le gouvernement Charest compte adopter un profil bas durant la campagne électorale fédérale qui débutera vraisemblablement pendant la fin de semaine.

Le fédéralisme de correspondance a vécu: «La formule des lettres devient usée», a souligné mercredi le premier ministre Charest. Lors des précédentes campagnes, le gouvernement du Québec avait, dans de longues lettres adressées aux chefs des partis fédéraux, fait état de ses attentes dans de nombreux dossiers... en vain, la plupart du temps.

En 2008, Jean Charest et plusieurs ministres avaient publiquement critiqué les choix des conservateurs de Stephen Harper. Bomber le torse devant le fédéral faisait recette - M. Charest s'était lancé en campagne électorale quelques semaines plus tard. Cette fois, personne à Québec ne roulera les mécaniques: «On n'est pas des acteurs, dans cette campagne électorale, notre nom n'est pas sur le bulletin de vote», résume-t-on dans les officines à Québec. Les déclarations de M. Charest laissent prévoir, cette fois, plus de retenue.

Une prudence intéressée: Québec, semble-t-il, est sur le point de s'entendre avec Ottawa au sujet de la compensation de 2,2 milliards de dollars qu'il demande pour avoir harmonisé sa taxe de vente avec la TPS fédérale, au début des années 90. Il n'y avait rien dans le budget de mardi à ce sujet, mais M. Charest souligne que les ententes qu'Ottawa a conclues à ce sujet avec la Colombie-Britannique ou l'Alberta se sont bouclées en dehors des budgets fédéraux.

«Le travail continue et progresse. On veut que le dossier se règle. Avant, pendant ou après la campagne, il faut qu'il se règle comme il faut. On ne fera pas d'entente au rabais», a-t-il prévenu.

Bachand change de ton

À Québec, toutefois, on ne s'attend guère à ce qu'une annonce se fasse avant les prochaines élections - le gouvernement Harper ne voudra pas se faire accuser de se servir des dossiers pour améliorer les chances du Parti conservateur, prédit-on.

Raymond Bachand s'est montré prudent, mercredi. Il avait la veille refusé de commenter le budget fédéral - un silence inusité pour un ministre des Finances du Québec. Dans une lettre récente, il a menacé d'intervenir lourdement durant la campagne pour obtenir ce dédommagement d'Ottawa. À l'entrée du caucus, mercredi, du bout des lèvres, il s'est dit satisfait du budget de mardi. Il a soutenu qu'il était toujours possible de s'entendre avec le gouvernement Harper cette semaine. Le budget fédéral, a-t-il relevé, indique aussi que les transferts aux provinces ne seront pas réduits - ces transferts, qui totalisent 53 milliards cette année, atteindront 66 milliards dans cinq ans, une augmentation de 24%.

Des reproches du PQ

À l'Assemblée nationale, la chef péquiste Pauline Marois a vigoureusement attaqué le gouvernement Charest pour son manque d'agressivité à l'endroit d'Ottawa. Ironisant, Jean Charest l'a dépeinte comme un nouveau porte-parole du Bloc québécois. Surtout, il a relevé que la chef péquiste n'avait pas posé une seule question sur le budget de Raymond Bachand, déposé il y a plus d'une semaine.

Mme Marois estime, elle, que le budget d'Ottawa met en relief l'attentisme de Jean Charest.

«Nous avons eu, une fois de plus, la démonstration que le Québec est complètement ignoré par le gouvernement conservateur. C'est un budget qui confirme que la priorité fédérale, elle va à l'Ontario, à l'Ouest canadien alors que le Québec est laissé de côté», a-t-elle soutenu.

«C'est encore non pour le Québec concernant les 2 milliards du dossier de l'harmonisation des taxes de vente. C'est encore non pour le Québec concernant les 5 autres milliards de contentieux financiers qui perdurent entre Québec et Ottawa. C'est encore non pour les travailleurs québécois de l'industrie de la forêt», a-t-elle relevé, à quoi elle a ajouté le refus d'Ottawa de financer l'amphithéâtre de Québec.

Selon le PQ, les décisions du gouvernement Harper privent le Québec de 7 milliards de dollars. Le gouvernement du Québec est forcé d'augmenter d'autant les impôts.

«Face à un budget aussi décevant pour le Québec, nous avons ici un gouvernement qui se fait le plus discret possible, qui tente de faire oublier une réalité qui pourtant saute aux yeux, a lancé Mme Marois. Les deux partis fédéralistes sont incapables de s'entendre dans l'intérêt du Québec.»

M. Charest a répliqué que, sous les gouvernements péquistes, les transferts fédéraux ont diminué et qu'ils ont crû depuis 2003, au moment du retour des libéraux aux affaires.