Le deuxième budget de Raymond Bachand, demain, annoncera le début d'une douloureuse mise à jour du régime de rentes que s'est donné le Québec dans les années 70.

Avec le nombre toujours croissant de baby-boomers qui optent pour la retraite à 60 ans, la pression sur les réserves de la Régie des rentes du Québec (RRQ) est devenue inquiétante. Le budget de demain amorcera donc une réforme qui végète depuis près de deux ans dans les cartons de la RRQ, a appris La Presse.

Québec n'a guère le choix. Pour assurer la pérennité du régime de rentes, il doit rapidement hausser les cotisations, ce qui était prévisible depuis longtemps.

Mais il devra aussi resserrer les conditions pour ceux qui partent à la retraite avant 65 ans. Pour la première fois, des dirigeants et les principaux actuaires de la Régie ont prêté serment comme les hauts fonctionnaires des Finances. Plusieurs seront d'ailleurs présents au huis clos budgétaire, demain, pour expliquer l'effet des décisions annoncées sur les salariés.

Un projet de loi sera présenté avant l'été - la ministre responsable de la RRQ, Julie Boulet, s'y était déjà engagée à la fin de 2010. Elle insistera sur la mise en place graduelle des nouvelles mesures, même si le temps presse - la caisse n'est en «équilibre» que pour 30 ans encore. Si rien n'est fait, les décaissements dépasseront les recettes en 2039.

Cette augmentation de la pénalité pour ceux qui partent avant 65 ans vient d'ailleurs d'être préconisée par l'association québécoise des économistes.

Bond important des droits de scolarité

Le budget de l'an dernier n'avait pas été très populaire, avec la hausse annoncée des tarifs d'électricité (la fin du «bloc patrimonial») et l'instauration d'une cotisation santé, qui atteindra 200$ en 2012.

L'exercice de demain sera aussi douloureux. Québec devrait annoncer que les droits de scolarité augmenteront à un rythme accru. Jusqu'ici, on s'était contenté d'une hausse de 50$ par trimestre, une augmentation annuelle de 100$ pour la plupart des étudiants.

Pour atteindre plus rapidement la moyenne canadienne, on presse le pas. Conformément à la proposition de la Conférence des recteurs (CREPUQ), la hausse sera d'environ 500$ par année pendant trois ans.

Impopulaire, le gouvernement Charest voudra garder quelques annonces positives. On mettra par exemple l'accent sur la création de 15 000 places de garderie supplémentaires, un processus qui s'étendra sur quatre ans et qui nécessitera des budgets récurrents d'environ 200 millions.

Il y aura de l'argent pour le fameux Plan Nord, mais, dans les officines gouvernementales, on parle avec de plus en plus de scepticisme de ce projet annoncé par Jean Charest au cours de sa campagne électorale de 2008.

Cependant, dans l'immédiat, l'opération qui touche le régime des rentes est politiquement la plus périlleuse. Dans plusieurs pays européens, les gouvernements ont dû faire face à la colère des électeurs après avoir été forcés de rétrécir la porte d'entrée à la retraite. Dans bien des pays - aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne -, on a repoussé d'un an ou deux l'âge de la retraite, solution impossible au Québec puisque le régime ne doit pas être trop différent de ce qui est en place dans le reste du pays.

Aussi Québec a-t-il opté pour des modifications au régime qui augmenteront la pénalité actuarielle pour les Québécois qui décident de se retirer avant l'âge de 65 ans.

Le mur dans 30 ans

Actuellement, deux travailleurs sur trois partent à 60 ans. La ponction sur les réserves est d'autant plus douloureuse qu'il est établi que ces départs hâtifs coûtent en définitive plus cher à la RRQ.

On n'estime pas devoir appliquer «à 100%» ce que vient d'adopter Ottawa, mais le régime fédéral a augmenté à 7,2% par année la pénalité pour ceux qui se prévalent de leur retraite à 60 ans plutôt que d'attendre 65 ans. Au Québec, cette pénalité est encore à 6%. Les Québécois partent à la retraite en moyenne deux ans plus tôt que leurs collègues canadiens, ce qui grève encore davantage les caisses de la RRQ. Toutes ces particularités ont des conséquences. Le régime québécois a des caisses «en équilibre» jusqu'en 2039. Sans lever le petit doigt, le régime canadien est, lui, en équilibre jusqu'en 2085.

Québec voudra réhabiliter sa réforme en braquant les projecteurs sur la carotte plutôt que sur le bâton. Pour encourager les gens à rester en poste, on rendra la retraite plus alléchante pour ceux qui travailleront au-delà de 65 ans, même à temps partiel.

Une hausse des cotisations payées par les salariés et les employeurs est depuis longtemps prévisible. Elle est à 9,9% de la masse salariale; une première réévaluation, il y a un an, avait prévu une hausse progressive de 0,1% par année, mais des données plus fraîches inciteraient Québec à se rendre à 11,02%.

Le projet fédéral d'un régime de retraite volontaire, plus souple pour tenir compte de multiples employeurs, a déjà l'appui de Québec. Mais cette proposition de l'automne dernier est trop récente, et le gouvernement Charest voudra poursuivre plus longtemps l'analyse.