Le lien de confiance entre le gouvernement et les avocats est brisé, affirme le bâtonnier du Québec dans une lettre envoyée aux 23 000 membres du Barreau.

« Si un doute persistait quant à la place réelle qu'occupe la justice au sein des préoccupations de l'État, nous avons reçu hier un message clair », a écrit Me Gilles Ouimet, dans une lettre envoyée mercredi.

« L'adoption d'une loi spéciale forçant le retour au travail des procureurs des poursuites criminelles et pénales et des juristes de l'État brise le lien de confiance entre le gouvernement et ses avocats et démontre clairement l'importance relative que le gouvernement du Québec accorde à la justice.

« Comme si l'adoption d'une loi spéciale, mesure exceptionnelle et grave, n'était pas suffisante, le gouvernement force les procureurs et juristes à accepter des conditions de travail en deçà des dernières offres déposées. Un geste lourd de conséquences. »

En plus de dénoncer la loi spéciale, le bâtonnier affirme qu'un trop grand nombre de personnes démunies n'ont pas accès à la justice, en raison des critères d'admissibilité à l'aide juridique selon lui trop restrictifs.

« L'État doit valoriser les services juridiques, parce que ceux-ci sont essentiels au bon fonctionnement de notre société, écrit le bâtonnier. Avons-nous besoin de rappeler au gouvernement du Québec que la justice constitue un pilier essentiel de la démocratie?

« Si le gouvernement veut rebâtir les ponts qu'il a lui-même coupés et s'il est sincère dans son offre de négociation, il doit se mettre à table rapidement et tenter de trouver des solutions pour valoriser la justice. Il est temps d'agir, car seules des actions concrètes pourront témoigner de la véritable volonté du gouvernement. »

Les dénonciations du bâtonnier s'ajoutent à celles de Me Claude Chartrand, procureur en chef du Bureau de lutte au crime organisé (BLACO). « Ce n'est pas que le Bureau de lutte contre le crime organisé qui est en péril, mais bien toute l'institution du Directeur aux poursuites pénales et criminelles», a déclaré il y a quelques jours Me Chartrand, qui a annoncé sa démission en tant que procureur-chef du BLACO.

Des dizaines de procureurs en chef et adjoints ne veulent plus assumer leur fonction de cadre. Plus de 420 procureurs refusent de poser leur candidature à la nouvelle unité anticorruption, si bien que celle-ci risque de ne pas pouvoir fonctionner. L'Association des procureurs demande la démission du Directeur aux poursuites criminelles et pénales, Me Louis Dionne, en qui ils n'ont plus confiance.

Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, a dit hier à l'Assemblée nationale que le climat de travail devrait s'apaiser.

« J'imagine que si la position du gouvernement était de dire: 'Nous avons adopté une loi, elle s'applique, et c'est tout', on pourrait commencer à avoir des questions.

« Mais nous allons continuer de travailler à améliorer les conditions de travail, notamment sur la rétention, sur l'attraction, sur les ressources, sur les moyens qui peuvent être disponibles. Déjà, il y a eu des étapes de faites, puis on va continuer de le faire... Un climat de conflit existe, qu'il faut apaiser.»

Mais le président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (APPCP), Christian Leblanc, pose ses conditions: le gouvernement doit retirer sa loi spéciale, qui a forcé cette semaine le retour au travail des procureurs en grève, et déposer des offres sur la table.