Ce n'est pas encore le retour triomphal, loin de là, mais l'Action démocratique a démontré en 2010 qu'elle pouvait toujours tirer son épingle du jeu dans l'arène politique québécoise.



Avec l'appui massif des quelques milliers de militants demeurés fidèles au parti, le chef Gérard Deltell est parvenu à marquer des points au cours de la dernière année et surtout à embarrasser royalement le premier ministre Jean Charest.

M. Deltell a mis du temps à s'imposer dans le débat public en 2010, mais il a frappé fort au congrès de son parti à l'automne.

Dans un discours enflammé, le leader adéquiste a créé une onde de choc au gouvernement lorsqu'il a comparé le premier ministre Charest au parrain mafieux de la famille libérale.

Le chef de l'ADQ a utilisé cette analogie peu flatteuse pour dénoncer le refus répété de M. Charest d'instituer une commission d'enquête publique sur les allégations de corruption dans l'industrie de la construction et ses liens présumés avec le financement politique.

En dépit d'une mise en demeure du chef libéral piqué au vif, M. Deltell a refusé de présenter des excuses.

Dans le dossier explosif de la corruption, personne ne peut reprocher à l'Action démocratique de monter dans un train déjà en marche pour se faire du capital politique.

La députée de Lotbinière, Sylvie Roy, a en effet été la première élue de l'Assemblée nationale à réclamer une commission d'enquête, en avril 2009, alors que s'accumulaient les assertions de collusion entre la FTQ-Construction, le milieu interlope et le monde municipal.

Après l'extraordinaire débandade électorale de 2008, le départ du chef-fondateur Mario Dumont et la course au leadership loufoque de 2009, il se trouvait bien peu d'observateurs pour parier sur les chances de l'ADQ de rebondir en 2010.

Convaincus de la mort imminente de l'Action démocratique, bien des adéquistes ont cherché refuge ailleurs ou attendu que la providence - ou François Legault - comble le vide sur le flanc droit de l'espace politique.

En outre, des proches de Mario Dumont comme Eric Duhaime et Joanne Marcotte ont initié le Réseau Liberté-Québec, un groupe de «réseautage» des tenants de la droite politique au Québec.

D'autres attendaient avec impatience de voir le tandem François Legault-Joseph Facal revenir à l'avant-scène politique à la direction d'un tout nouveau parti aux orientations conservatrices. Or, à la mi-décembre, le mouvement politique de M. Legault était encore dans les limbes.

L'enthousiasme soulevé par la réflexion de l'ancien ministre péquiste s'est passablement tari lorsque Joseph Facal, après réflexion, a jugé préférable de ne pas s'associer à son ex-collègue.

Plus encore, les militants de la droite ont sans doute déchanté après avoir entendu M. Legault dire que son mouvement politique en gestation porterait l'intrigante étiquette de «gauche-efficace».

Loin des débats sur les orientations idéologiques et les nuances entre le centre-droit, la droite et la gauche-efficace, Gérard Deltell a mené un travail discret de reconstruction de l'Action démocratique.

La conjoncture aidant, ses efforts ont été récompensés à l'élection complémentaire tenue en novembre dans la circonscription de Kamouraska-Temiscouata, une place forte libérale, remportée de justesse par le Parti québécois.

Avec son candidat Gérald Beaulieu, l'Action démocratique du Québec a causé la surprise du scrutin, recueillant près du quart du suffrage exprimé.

Le bond est plutôt impressionnant pour un parti qui côtoyait depuis deux ans les Verts et Québec solidaire dans la marginalité.

Les choses vont mieux pour l'ADQ, mais ce n'est pas encore l'épiphanie.

Incapable de ramener les brebis égarées que sont Eric Caire et Marc Picard dans le giron adéquiste, Gérard Deltell n'a pas encore démontré qu'il avait des qualités de rassembleur.

De plus, l'ancien journaliste de TQS demeure un personnage peu connu hors de Québec et des régions environnantes.

S'il ne peut guère espérer une percée à Montréal - où l'ADQ n'a jamais été plus qu'un objet de curiosité - le chef adéquiste doit reconquérir le «450» pour inscrire de nouveau son parti parmi les aspirants au pouvoir.

Il lui reste environ deux ans pour s'acquitter de la tâche en prévision du prochain scrutin général. D'ici là, Gérard Deltell peut diriger son parti sans craindre de voir son leadership contesté.

Au plus récent congrès du parti, il a obtenu la confiance de plus de 97 pour cent des délégués, une quasi-unanimité généralement réservée aux leaders des régimes à parti unique.