Le gouvernement fédéral n'a aucune objection à ce que le Québec ou toute autre province se dote de sa propre constitution, comme l'a déjà proposé en 2007 le Parti québécois.

Mais cette constitution provinciale devrait être conforme à la constitution canadienne pour être acceptable, selon une analyse réalisée par le Bureau du Conseil privé pour la ministre des Affaires intergouvernementales Josée Verner.

La Presse a obtenu cette analyse, datée de septembre 2009, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

«Oui, la Constitution du Canada permet l'adoption de constitutions provinciales. Par exemple, la Colombie-Britannique a une constitution depuis 1871», peut-on lire dans le document.

«Notre Constitution affirme toutefois que les constitutions provinciales ainsi que les lois provinciales et fédérales doivent se conformer à la Constitution du Canada», ajoute-t-on.

Dans l'analyse, on souligne que la partie V de la Loi constitutionnelle de 1867, intitulée justement Constitutions provinciales, définit les pouvoirs exécutifs et législatifs de l'Ontario et du Québec. Ses dispositions traitent « de la constitution, de la composition, du quorum et de la durée de la convocation des assemblées législatives, de l'emplacement du siège des gouvernements et d'autres questions connexes ». Elle comprend également une disposition portant sur la constitution des assemblées législatives de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick.

L'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982, que le Québec n'a jamais signée, confirme que l'assemblée législative d'une province «a compétence exclusive pour modifier la constitution de sa province».

Option souverainiste

En 2007, l'ancien député du Parti québécois Daniel Turp avait proposé que l'Assemblée nationale adopte sa propre constitution comme mesure pour faire avancer l'option souverainiste au Québec. Il avait fait cette proposition alors que le débat sur les accommodements raisonnables battait son plein au Québec.

Un projet de loi intitulé Constitution québécoise a même été déposé à cette fin à l'Assemblée nationale par le député Turp en octobre de la même année. Mais le gouvernement libéral de Jean Charest a vivement dénoncé cette initiative et a empêché son étude à l'Assemblée nationale.

Le projet de loi traitait notamment de la citoyenneté québécoise, de la prédominance de la langue française et des pouvoirs du Québec.

La chef du Parti québécois, Pauline Marois, a repris à son compte cette idée dans le programme de son parti. Si le PQ prend le pouvoir aux prochaines élections provinciales, il compte faire adopter une Constitution québécoise qui explicitera notamment « les valeurs québécoises », la primauté de la langue française, l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la laïcité des institutions publiques.

Selon Benoît Pelletier, expert constitutionnel à l'Université d'Ottawa et ancien ministre des Affaires intergouvernementales dans le gouvernement Charest, il est clair qu'une province peut se doter de sa propre constitution. Mais cette constitution provinciale ne peut pas être incompatible avec la constitution canadienne. Malgré tout, il croit que le Québec devrait adopter la sienne.

«J'ai toujours appuyé l'idée d'une constitution québécoise. (...) Cela permettrait aux Québécois de faire le point sur leurs valeurs communes, faire le point sur ce qu'ils sont en 2010. C'est un concept qui est tout à fait compatible avec le fédéralisme actuel», a dit M. Pelletier.

L'ancien ministre a rappelé que les militants du Parti libéral du Québec se sont déjà prononcés en faveur de cette idée en 2001. Il a aussi affirmé que tous les États américains ont leur propre constitution.

Toutefois, M. Pelletier a souligné que les fédéralistes québécois sont devenus tièdes à l'idée d'adopter un tel projet après que les souverainistes eurent affirmé qu'une constitution québécoise serait le premier acte d'un Québec souverain.

«Les fédéralistes sont devenus frileux et c'est politiquement difficile à vendre aujourd'hui», a-t-il dit.

- Avec William Leclerc