Accusé de perpétuer la discrimination à l'égard des aides domestiques, Québec a décidé de remettre le projet de loi 110 sur la planche à dessin, a appris La Presse.

Le gouvernement Charest a présenté en juin ce projet de loi, qui permet à certaines aides domestiques seulement d'obtenir la protection de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Pour y avoir droit, l'aide domestique devrait travailler «sur une base régulière d'au moins 24 heures par semaine» chez le même employeur, lequel paierait une cotisation à la CSST.

À l'heure actuelle, les aides domestiques sont exclues de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Un projet discriminatoire

La semaine dernière, la Commission des droits de la personne a demandé au gouvernement de «modifier significativement» son projet de loi. Comme la condition de travailler au moins 24 heures par semaine «n'est imposée qu'aux seules travailleuses domestiques et à aucun autre travailleur, la Commission considère qu'elle perpétue la discrimination à l'égard des travailleuses domestiques qui exécutent un travail régulier» pendant moins d'heures, peut-on lire dans son avis.

Le Conseil du statut de la femme a aussi conclu que le projet de loi 110 est discriminatoire.

Améliorer le projet de loi

Face à des critiques aussi sévères, le gouvernement a décidé de revoir son projet de loi, et ce, avant même de le soumettre à un premier débat en Chambre et à une consultation en commission parlementaire - ce qui est très rare.

Plus tôt cette semaine, la ministre du Travail, Lise Thériault, a demandé au président de la CSST, Luc Meunier, de rencontrer la Commission des droits de la personne et le Conseil du statut de la femme «pour voir de quelle manière on peut améliorer le projet de loi», a-t-elle dit à La Presse.

Mme Thériault a refusé de dire si l'obligation de travailler au moins 24 heures par semaine serait éliminée. La CSST n'a pas voulu s'avancer non plus.

Cette obligation, avait expliqué Sam Hamad, ministre du Travail au moment où le projet de loi avait été présenté, visait à éviter d'assujettir à la Loi sur les accidents du travail «une gardienne d'enfant qui garde deux heures par semaine» ou «un garçon qui vient aider à couper le gazon».

Le Parti québécois estime quant à lui que les aides domestiques devraient être assujetties à la loi dès qu'elles sont considérées comme salariées, ce qui écarte ces deux exemples.

Dès le dépôt du projet de loi, la Coalition CSST pour les travailleuses domestiques avait reproché au gouvernement de faire «perdurer la discrimination» avec cette obligation, que la CSN, la FTQ et la CSD avaient également jugée «excessive» bien qu'elles aient plutôt bien accueilli le projet de loi.

Mais le Conseil du patronat estime que «le gouvernement ouvre la porte à un véritable cauchemar administratif et financier» en voulant assujettir les aides domestiques au régime de santé et de sécurité du travail.

Le projet de loi 110 fait suite à un avis percutant rendu en décembre 2008 par la Commission des droits de la personne. La Commission avait jugé discriminatoire l'exclusion des aides domestiques de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cette discrimination est «triple»: fondée sur le sexe (ce sont surtout des femmes), la race (elles sont souvent immigrées, notamment des Philippines) et la condition sociale (elles ont de faibles revenus).

Selon la CSST, entre 3000 et 6000 travailleuses domestiques seraient couvertes par son régime d'assurance en vertu du projet de loi actuel.