Constituée en 2007, une petite firme de communications, Brad, s'est rapidement hissée parmi les principaux fournisseurs du gouvernement du Québec.

La firme, qui fonctionnait depuis 2001 sous le nom de Bernier Renauld Communications, est présidée par Martin Bernier et Dany Renauld.



M. Renauld est le conjoint d'Isabelle Jean, chef adjointe du cabinet du premier ministre, Jean Charest. Elle y est responsable du contenu, notamment des questions de communications. L'autre chef de cabinet adjointe est Chantal Landry, responsable des nominations, qui s'est retrouvée sur la sellette à la commission Bastarache.



8 millions en contrats

Selon une compilation réalisée par La Presse à partir de documents obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information, Brad a obtenu pour 8 millions de dollars de contrats entre sa fondation et aujourd'hui.

Sous le couvert de l'anonymat, le président d'un organisme public québécois avait confié à La Presse, il y a quelques semaines, que Chantal Landry, du cabinet du premier ministre, l'avait appelé pour lui préciser: «Ici, on aime bien Brad.»

Brad a aussi eu des mandats de communications dans des organismes où travaillaient d'anciens conseillers en communications de Jean Charest: à la Société générale de financement, où se trouve toujours Christian Lessard, et à l'Autorité des marchés financiers, où se trouvait son ancien attaché de presse Christian Barrette.

Joint hier, M. Lessard a affirmé que les contrats accordés à Brad par la SGF, d'une valeur totale de 27 000$, l'ont tous été après appels d'offres.

Dany Renauld a donné près de 17 000$ au PLQ depuis 2003. Son collègue Martin Bernier, lui, a donné 19 000$ au parti depuis 2002. M. Renauld avait été candidat du Parti conservateur dans la région de Québec, tout comme Christian Lessard, en 1997, quand le PC était dirigé par Jean Charest.

À l'Assemblée nationale, hier, le député péquiste de Richelieu, Sylvain Simard, a relevé que MM. Bernier et Renauld avaient été actifs dans les campagnes électorales libérales depuis 2003. «Brad a obtenu des dizaines de contrats sans appel d'offres, des contrats négociés de gré à gré avec le Conseil du Trésor, le ministère des Finances, les Ressources naturelles, l'Éducation, la Famille - une douzaine de ministères, y compris le ministère du premier ministre (le Conseil exécutif).». Dans ce dernier cas, Brad a bénéficié d'un contrat de 19 400$ sans appel d'offres pour les forums Place aux citoyens, a souligné M. Simard.

Parmi les contrats de gré à gré, on retrouve deux mandats qui atteignent 400 000$ obtenus du ministère des Finances en 2007 et en 2008. Brad a obtenu du Conseil du Trésor un autre mandat de 142 000$ en 2008, dans le cadre du programme d'infrastructures. Depuis 2003, le Conseil exécutif a confié à Brad sept contrats totalisant 69 581$.

«Nous faisons affaire avec les gens qui ont les compétences et selon les règles qui doivent nous diriger», a répliqué le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, responsable d'un nouveau comité ministériel sur les «communications».

Banque d'agences

Depuis 2008, le gouvernement ne fonctionne plus par appels d'offres pour chaque contrat mais constitue une banque d'agences dans laquelle organismes et ministères ont à choisir pour leurs mandats de publicité ou de communications.

Questionné par La Presse, le Centre de service partagé, responsable de cette opération, indique que la firme Brad est retenue pour les «campagnes publicitaires à caractère urgent, ponctuel ou exceptionnel» quand le budget est supérieur à 200 000$. Pour les contrats de moins de 200 000$ c'est curieusement Cossette, un géant dans le domaine au Québec, qui s'est qualifié.

Avec les firmes Cartier, Palm Havas et Pub Point Com, Brad a aussi été retenue pour les campagnes publicitaires dont le mandat est inférieur à 500 000$. La firme, qui a pignon sur rue à Québec et à Montréal, fait aussi partie des entreprises retenues pour les mandats de plus de 1 million, avec cette fois Allard Johnson, Cartier et Cossette.

M. Renauld n'a pas rappelé La Presse, hier. Il est le conjoint de Mme Jean depuis 2006; elle était à l'époque responsable de la période des questions au bureau du premier ministre.

Au cabinet de M. Charest, l'attaché de presse, Hugo D'Amours, a souligné qu'il est inexact de dire qu'il n'y a pas eu d'appels d'offres puisque les firmes devaient d'abord se qualifier, faire une soumission, pour faire partie de la banque.

Il n'y a pas eu de mécanisme particulier pour tenir compte du lien entre M. Renauld et Mme Jean «parce que c'est administré par le CSPQ, le politique ne touche pas à ça», a insisté M. D'Amours dans un premier temps.

Par la suite, il a précisé que, en effet, le communiqué annonçant la nomination de Mme Jean lui conférait la responsabilité des communications, mais qu'elle avait «discuté avec le chef de cabinet, M. Croteau, et ils avaient convenu qu'elle ne toucherait pas à la publicité».

Selon Marie-Claire Ouellet, secrétaire générale associée aux communications au Conseil exécutif, «le mécanisme mis en place est inattaquable».

Avec la collaboration de William Leclerc