Il n'y a pas de brèche dans la loi anticollusion, assure le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard. «Ça va devenir le système le plus transparent au Canada», a-t-il soutenu.  



Mercredi, Le Devoir démontrait pourtant que des entrepreneurs pourraient détourner cette loi grâce à un nouvel outil informatique.

Adoptée à l'unanimité en mars dernier, la loi 76 interdit aux municipalités de dévoiler l'identité des soumissionnaires à un contrat. Cela devait empêcher que des entrepreneurs intimident un rival ou se concertent pour fixer le prix.

De petits entrepreneurs spécialisés se sont plaints. Si la liste de soumissionnaires restait confidentielle, ils ne pourraient pas savoir à qui offrir leurs services. Par exemple, un électricien ignorerait avec quels constructeurs prendre contact pour travailler sur le futur chantier d'un aréna. Ce n'était pas équitable, selon eux. Et cela risquait aussi de gonfler la facture - si moins de gens offrent leurs services, le prix risque d'augmenter.

Le Bureau des soumissions déposées du Québec (BSDQ) a donc créé un outil informatique, la Transmission électronique des soumissions (TES). Cet outil est en place depuis septembre. Il permet aux entrepreneurs spécialisés de connaître la liste des soumissionnaires aux contrats municipaux. Un soumissionnaire choisit lui-même de s'y inscrire pour pouvoir être sollicité par les entrepreneurs spécialisés.

Or, de grands soumissionnaires pourraient utiliser leurs filiales de plomberie, électricité ou d'un autre service spécialisé pour obtenir les données de la TES. Les grands entrepreneurs possèdent en effet souvent de telles filiales. Par exemple, la firme Simard-Beaudry de Tony Accurso possède Gastier, spécialisée dans la mécanique et l'électricité.

Un soumissionnaire pourrait ainsi contourner la loi anticollusion et truquer l'appel d'offre, prévient le PQ.

Daniel Ratthé, porte-parole de l'opposition officielle en Affaires municipales, demande au ministre Lessard d'empêcher ce «stratagème». «La loi est contournée par des entrepreneurs à cause de la négligence du Ministère, et le gouvernement ne fait rien.»

Enquête publique

Mardi dernier, La Presse a révélé que la mafia infiltre de nouveaux secteurs de l'économie légale, comme l'entreprise environnementale Énergie Carboneutre. Cette histoire, comme celle de la brèche dans la loi anticollusion, incite l'opposition officielle à continuer de réclamer une enquête publique sur l'industrie de la construction. Cette enquête est demandée par tous les partis de l'opposition et environ trois Québécois sur quatre. «Vous avez laissé la mafia gangrener littéralement le système d'octroi de contrats au Québec», a lancé la chef du PQ, Pauline Marois, au premier ministre Charest.

Mme Marois rappelle aussi qu'à l'occasion d'un procès en Italie, un sergent de la GRC a affirmé que le clan Rizzuto choisissait parfois l'entreprise qui allait recevoir un contrat public. La mafia exigeait une commission d'environ 5%.

Le premier ministre Charest refuse toujours de déclencher une commission d'enquête publique. Selon lui, il faut laisser les policiers et l'escouade Marteau faire leur travail. «Nous avons investi des dizaines de millions de dollars, rappelle-t-il. On a ajouté des ressources humaines très importantes pour que nous puissions justement donner des moyens aux corps policiers d'enquêter sur ces allégations.»