Que Québec le veuille ou non, il y aura très bientôt des levés sismiques dans le gisement Old Harry, situé à cheval sur la frontière Québec/Terre-Neuve du Golfe Saint-Laurent, à environ 80km au nord-est des Îles-de-la-Madeleine.

«On va prendre tous les risques environnementaux et on n'aura pas une cenne de retombées économiques. Est-ce qu'on est en train de se faire avoir?», tonne Bernard Drainville, critique de l'opposition en matière de relations intergouvernementales.

L'Office Canada/Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers a donné le feu vert à la société Corridor Ressources. Les levés sismiques pourraient commencer dès cette semaine. L'opération vise à examiner le sous-sol marin à l'aide d'ondes sonores. Elle durera six jours. Il s'agit de la dernière étape avant le forage, qui pourrait débuter l'année prochaine.

Lors de levé sismique, on projette des ondes sonores dans le fond marin pour vérifier si le sous-sol recèle des combustibles fossiles. En 2004, le BAPE prévenait que les levés pourraient avoir de sérieuses conséquences sur les baleines du Golfe.

Les levés sismiques de Corridor Ressources ont tout de même reçu l'approbation d'Environnement Canada et de Pêches et Océans Canada. Les travaux seront supervisés par un observateur de l'Office Canada/Terre-Neuve. Les mammifères marins et crustacés devront notamment être éloignés de la zone avant le début des travaux.

Pas d'injonction

M. Drainville accuse Terre-Neuve de «voler» le Québec. «Il faut bloquer Terre-Neuve, lance-t-il. Et nous, on pense qu'il faut envisager tous les moyens, y compris demander une injonction.»

Impossible, rétorque Nathalie Normandeau. «On ne demandera pas d'injonction parce que Terre-Neuve exerce sa souveraineté sur son territoire», explique la ministre des Ressources naturelles et des Affaires intergouvernementales. Elle indique que les levés sismiques se situent dans la portion terre-neuvienne du gisement.

Le deux tiers du gisement se trouve en territoire québécois, selon le PQ. Mais une portion du gisement est toutefois contestée par Terre-Neuve.

Le tracé de la frontière maritime provient d'un accord conclu en 1964. Un tribunal d'arbitrage l'a confirmé en 2002. Malgré tout, Terre-Neuve veut le renégocier.

Le gisement Old Harry est très convoité. Il recèlerait deux milliards de barils de pétrole, ou 5000 milliards de pieds cube de gaz naturel.

Négociations avec Ottawa

Le gouvernement se trouve en position délicate. Un moratoire sur la zone québécoise du gisement existe depuis 1998. Il est valide jusqu'en 2012. On connaîtra alors les résultats de l'évaluation environnementale stratégique pour la zone.  C'est à la suite d'une telle étude que Québec a déjà définitivement interdit l'exploration et l'exploitation dans l'estuaire du Saint-Laurent.

Mais les catastrophes ou simples dégâts environnementaux ne connaissent pas les frontières. Ce qui fait dire au PQ que Terre-Neuve rend le moratoire québécois «totalement bidon».  

Et l'argent qui, selon M. Drainville, échapperait au Québec? Elle reste encore théorique. Si Québec enlève son moratoire, il lui resterait encore à s'entendre avec Ottawa.

Les fonds marins relèvent du fédéral. En 1985, Ottawa a toutefois conclu une entente administrative avec Terre-Neuve pour créer l'Office Canada/Terre-Neuve, qui permet à la province de profiter de ses ressources. Québec attend encore une telle   entente.

La ministre Normandeau a entamé des négociations cet été avec son homologue au fédéral, Christian Paradis. Elle assure que son gouvernement ne se traîne pas les pattes, et se montre optimiste. «Ça fait 12 ans que je suis à l'Assemblée nationale et c'est la première fois que je sens autant d'ouverture de la part du gouvernement fédéral.»