Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a recruté son adversaire adéquiste aux élections de 2008, Martin Briand, à titre de conseiller spécial. Cette embauche est d'autant plus étonnante que M. Briand conseillait jusqu'à tout récemment l'ADQ en matière de santé et qu'il milite depuis longtemps pour donner une plus grande place au secteur privé.

Il préconise entre autres le fait que les médecins puissent pratiquer à la fois au public et au privé, une option que rejettent les libéraux.

Dans l'embauche d'un nouveau conseiller spécial, «on s'est élevés au-dessus de tout esprit partisan», a expliqué l'attachée de presse de M. Bolduc, Karine Rivard. «Le ministre est le ministre de tous les Québécois et veut s'entourer des meilleures personnes. Martin Briand était la personne la plus compétente pour occuper ce poste. Il a un C.V. impressionnant. Il connaît bien le milieu de la santé.»

Quant au passé de Martin Briand à l'ADQ, «il n'y avait pas de problème avec ça. Le Parti libéral est un parti très inclusif».

Est-ce un signe que M. Bolduc ouvre la porte à une plus grande place au privé en santé? «Non, ça n'a rien à voir. Ce n'est pas M. Bolduc qui a changé de parti! a lancé Mme Rivard. M. Bolduc a toujours milité pour un réseau de la santé public fort.»

Martin Briand est responsable des relations entre le ministre et les «effectifs médicaux», les fédérations de médecins et d'infirmières, par exemple. Il fait partie de la garde rapprochée de M. Bolduc.

Pour justifier sa décision de passer au cabinet du ministre Bolduc, Martin Briand a expliqué qu'il a quatre enfants et «des factures à payer». «J'ai besoin d'apporter un salaire à la maison», a-t-il dit à La Presse. Yves Bolduc «m'a fait une offre. J'ai trouvé l'occasion intéressante».

Yves Bolduc ne lui a pas demandé d'adhérer au Parti libéral. Et de l'aveu même de M. Briand, ce n'est «pas nécessairement fini» entre l'ADQ et lui.

Dans un courriel qu'il a envoyé plus tôt ce mois-ci à des proches, document que La Presse a obtenu, M. Briand note d'ailleurs que ses «convictions ne sont pas mortes» parce qu'il a accepté «une job un peu surprenante». «Le recherchiste en santé de l'ADQ et, en plus, l'adversaire de M. Bolduc dans son comté qui va travailler pour lui... Quand ça va se savoir, ça va sûrement faire les médias», reconnaît-il. Pour expliquer sa décision, il écrit: «Les dossiers qui me sont confiés m'apparaissent intéressants (...) et j'ai bien hâte de voir comment ça se passe dans la machine.»

Martin Briand et Yves Bolduc se sont affrontés à deux reprises. D'abord lors de l'élection partielle dans Jean-Talon, le 29 septembre 2008, puis aux élections générales du 8 décembre de la même année. M. Briand avait terminé troisième dans les deux cas, avec 4,64% et 9,14% des suffrages.

Martin Briand était conseiller et recherchiste en matière de santé pour l'aile parlementaire de l'ADQ jusqu'au printemps dernier. Le chef Gérard Deltell a dû éliminer son poste après que le bureau de l'Assemblée nationale eut sabré les budgets de l'ADQ à la suite de la défection d'Éric Caire et de Marc Picard, qui sont devenus des députés indépendants.

Âgé de 38 ans, M. Briand termine un doctorat en médecine expérimentale. Il vote pour l'ADQ depuis 1998. Il militait activement dans le parti depuis 2004, d'abord aux côtés de Sylvain Légaré, ex-député de Vanier. En 2007, lorsque l'ADQ formait l'opposition officielle, M. Briand était conseiller politique en matière de santé pour le chef Mario Dumont.