Les rapports d'impôt des Québécois pourraient bien être confiés au privé. C'est ce que dénoncent les fonctionnaires en lançant une campagne publicitaire afin d'alerter la population.

Le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) veut bloquer à tout prix le projet du gouvernement de transformer le ministère du Revenu en agence.

«C'est comme si l'Agence du revenu devenait le plus gros sous-traitant de l'État», a résumé la présidente du SFPQ, Lucie Martineau, en conférence de presse jeudi dans un hôtel de Québec.

Selon elle, l'encadrement de la nouvelle agence serait propice aux conflits d'intérêts et menacerait la confidentialité des renseignements fiscaux.

«Ce sont des risques possibles», a déclaré la syndicaliste, en admettant qu'il n'y aura pas nécessairement des dérapages sous le nouveau régime. Au fédéral, le ministère du Revenu a été converti en agence.

«Nous, on y va dans la défense des services publics, en prévention, a affirmé Mme Martineau. On n'y va pas pour dire qu'on va perdre des membres. Ne craignez rien! Ce n'est même pas corporatiste. Le projet de loi prévoit que nous allons continuer à représenter nos membres (employés de la future agence).»

Pour faire passer son message, le syndicat a fait appel au personnage Bob Cashflow, un homme d'affaires plus ou moins honnête, incarné par l'humoriste François Léveillé.

Dans la publicité qui sera diffusée pendant trois semaines à la radio et à la télé, Bob Cashflow se réjouit de pouvoir être nommé par ses contacts au conseil de l'agence et de pouvoir confier la perception à l'entreprise privée.

«Nous sommes rendus au point où la population doit savoir, a justifié Mme Martineau. On a constaté que le monde n'est pas au courant (du projet). Deuxièmement, le monde ne veut pas en entendre parler: c'est le fisc, tout le monde veut se tenir loin du fisc.»

Aussi, le syndicat «ne se sent pas écouté» par le gouvernement. Le projet de loi a été déposé en douce en juin. Seules trois organisations syndicales, incluant le SFPQ, sont montés au créneau, mais elles n'ont pu obtenir que des consultations particulières et non une commission parlementaire en bonne et due forme.

Le SFPQ a demandé une rencontre avec le ministre des Finances, Raymond Bachand, aussi titulaire du Revenu, sans toutefois obtenir de réponse.

Les critiques du syndicat à l'encontre du projet de loi sont nombreuses.

En substance, la nouvelle agence échappera à la Loi de la fonction publique et pourra confier ses activités de perception au privé. Le conseil d'administration de la nouvelle agence n'aura pas à rendre de compte. De plus, ses membres seront autorisés à être parfois en conflit d'intérêts.

«Faites le tour des conseils d'administration, a suggéré Mme Martineau. Ce sont des nominations politiques. Est-ce que ce sont des amis du parti? Habituellement, dans des nominations politiques, je n'irais pas chercher mes ennemis. Ils sont donc plus sujets aux collusions et conflits d'intérêts. C'est plus de risques.»

L'opposition péquiste n'est pas contre le principe de créer une agence du revenu, qui peut comporter des avantages, mais le gouvernement devra le démontrer.

Le porte-parole du PQ, Sylvain Simard, a dit que les inquiétudes des syndicats étaient «légitimes» et que le projet de loi devait être «blindé» en ce qui a trait aux conflits d'intérêts.

«Habituellement, on s'assure que ces projet de loi tiennent compte de ces craintes et soient amendés, a-t-il précisé en entrevue téléphonique. Il serait absolument inconcevable qu'il y ait quelque place que ce soit pour des conflits d'intérêts. On ne laisserait jamais passer une chose comme celle-là. On va être vigilants.»

La nouvelle agence doit entrer en fonction le 1er avril 2011.