Jean Charest admet sa part de responsabilité dans la détérioration des échanges à l'Assemblée nationale. Pour rétablir un climat serein, il a invité Pauline Marois à l'imiter en changeant son leader parlementaire, dimanche. Une proposition que la chef péquiste n'a pas tardé à rejeter.

«C'est vrai que, quand on est pris dans le vif des débats, des fois on va trop loin, a admis M. Charest devant les délégués de la Commission-Jeunesse de son parti. Comme premier ministre, je reconnais aussi ma part de responsabilité.»

Le printemps a été marqué par des échanges acerbes entre parlementaires. Mme Marois a accusé le premier ministre de refuser d'instituer une commission d'enquête sur la construction pour ne pas «mordre la main qui le nourrit». M. Charest a répliqué en accusant la chef péquiste d'avoir accordé une pension annuelle de 80 000$ à son conjoint, Claude Blanchet, ancien dirigeant de la Société générale de financement.

Deux mois après la fin des travaux parlementaires, un sondage Angus Reid-La Presse a révélé samedi que les deux tiers des Québécois souhaitent que le premier ministre cède sa place. Le résultat n'était guère plus reluisant pour la chef péquiste: 55% des répondants veulent son départ aussi.

«Les gens réagissent mal à la dernière session qu'on a vécue à l'Assemblée nationale du Québec, a affirmé Jean Charest, invité à réagir au sondage. Il y en a pour tout le monde là-dedans. Et je ne m'exclus pas.»

M. Charest souhaite établir un climat plus cordial au cours de la prochaine session parlementaire. Selon lui, les nominations de Jean-Marc Fournier comme leader parlementaire et de Robert Dutil comme ministre de la Sécurité publique constituent un «geste concret» pour assainir l'ambiance.

Ces postes étaient occupés par le ministre démissionnaire Jacques Dupuis, qui était connu pour son attitude belliqueuse lors des débats.

«M. Dupuis avait sa façon, mais c'est moi qui suis le premier responsable», a affirmé le premier ministre.

Mais puisqu'il faut être deux pour danser, a-t-il ajouté, la chef du Parti québécois devrait songer à mettre du sien. Il a ainsi laissé entendre que Pauline Marois devrait remplacer son leader parlementaire, Stéphane Bédard, qu'il a traité de «tête de Slinky» au terme d'un débat particulièrement dur au printemps.

«J'ai fait des gestes avec l'arrivée de M. Fournier et de M. Dutil, a-t-il dit. J'invite Mme Marois à faire des gestes similaires.»

Marois dit non

La leader péquiste s'est dite prête à faire son bout de chemin pour améliorer le climat à l'Assemblée nationale. En entrevue à La Presse Canadienne, dimanche, elle a reconnu avoir élevé le ton, mais jure qu'elle n'a jamais voulu provoquer le cynisme.

Mme Marois se dit disposée à adopter un ton plus serein au cours de la session d'automne, à condition que le gouvernement cesse de ridiculiser les demandes et les questions de son parti.

Mais en ce qui concerne son leader parlementaire, Stéphane Bédard, elle n'entend pas donner suite à l'invitation du premier ministre.

«Mme Marois est très satisfaite du travail de son leader, et il sera en poste le 21 septembre à la rentrée parlementaire, a indiqué son directeur des communications, Pascal Monette. Rappelons que Jacques Dupuis a quitté son poste de plein gré et que Jean Charest a bien été obligé de le remplacer.»

Financement et langue de bois

Lors de leur congrès annuel, ce week-end, les jeunes libéraux avaient justement fait de la lutte contre le cynisme leur priorité. Leur président, Julien Gagnon, avait d'ailleurs vu dans les résultats du sondage un «exemple empirique» du désabusement face à la classe politique.

Les 400 délégués ont adopté une série de propositions pour réformer le financement politique et assainir les débats à l'Assemblée nationale. Ils souhaitent en outre qu'un Directeur général des élections (DGEQ) aux pouvoirs d'enquête accrus devienne l'intermédiaire entre les partis politiques et leurs donateurs. Il recueillerait ainsi les contributions, puis les verserait aux formations après en avoir vérifié la légalité.

La Commission-Jeunesse a également adopté une proposition qui donnerait au président de l'Assemblée nationale des pouvoirs plus importants pour qu'il améliore la teneur des débats au Salon bleu. Il aurait ainsi la possibilité de sanctionner les élus qui esquivent les questions.

En contrepartie, les partis de l'opposition fourniraient leurs questions aux ministres avec un préavis de 12 heures.

Ces propositions surviennent deux mois après la fin d'une session parlementaire marquée par des échanges d'une rare violence. Le gouvernement Charest a été critiqué pour avoir refusé de mettre en place une enquête publique sur l'industrie de la construction. L'opposition l'a également accusé de favoritisme dans l'attribution des places en garderie. L'ancien ministre Marc Bellemare a remis en cause l'honnêteté des dirigeants du PLQ et le processus de nomination des juges. Enfin, le ministre Tony Tomassi a été congédié pour avoir utilisé une carte de crédit de la firme BCIA.

La loi antiscabs doit changer, disent les jeunes libéraux

Les jeunes libéraux ont adopté samedi une proposition qui modifierait le Code du travail afin de changer la définition d'un briseur de grève. Si le gouvernement y donne suite, la mesure pourrait changer la donne dans le conflit de travail qui touche le Journal de Montréal depuis plus d'un an et demi. La loi prévoit qu'un travailleur de remplacement doit se trouver physiquement sur les lieux d'une entreprise en grève ou en lock-out pour être considéré comme un briseur de grève. Or, l'informatique permet maintenant aux journaux d'être produits à distance. Les jeunes libéraux souhaitent changer la loi qui interdit le recours aux briseurs de grève afin qu'elle s'applique aux personnes qui travaillent hors de l'établissement touché par le conflit de travail. «Il est temps qu'on mette à jour le Code du travail pour qu'il reflète cette réalité», a soutenu le délégué Jérémie Gravel. La FTQ et même le Comité national des jeunes du Parti québécois, également réuni ce week-end, ont salué la décision. La ministre du Travail, Lise Thériault, promet d'y réfléchir. «Au départ, lorsque les lois ont été faites, les gens travaillaient dans des usines ou dans des bureaux, a-t-elle convenu. C'est sûr qu'avec l'avènement de nouvelles technologies, il y a eu beaucoup de modifications dans les façons de faire dans tous les domaines imaginables.»