Le premier ministre Jean Charest a cédé: le nouveau conseil des ministres qui doit être dévoilé ce matin à 10h30 à Québec épargne le responsable de la Santé, Yves Bolduc. Ce n'est pas faute d'avoir essayé: on a offert le portefeuille de la Famille au médecin venu de Saguenay, une proposition vite balayée du revers de la main.

Yves Bolduc était prêt à claquer la porte si on lui enlevait la responsabilité pour laquelle il avait fait le saut en politique.

Jean Charest aurait pu forcer le jeu: il l'a déjà fait avec Yves Séguin et Thomas Mulcair. Mais cette fois les libéraux disposent des sondages internes montrant que la circonscription habituellement sûre de Jean-Talon, que représente M. Bolduc, est désormais à risque pour le PLQ.

En milieu de journée hier, l'entourage de Jean Charest faisait entendre partout le message: Yves Bolduc est un mauvais communicateur mais un bon gestionnaire qui doit rester à la barre de son méga-ministère. Le responsable du ministère de la Santé est, de toute façon, toujours critiqué, expliquait-on comme pour clore ce débat embarrassant.

C'est à un bien étrange remaniement que s'appliquait hier, durant toute la journée, le premier ministre Charest, avec une équipe très réduite de collaborateurs, dans un hôtel de la Capitale.

Après une troisième élection, les députés d'arrière banquette sont affamés. Tous comprennent que cette nouvelle donne est pour eux la dernière chance d'accéder au conseil des ministres. Or, Jean Charest a été forcé de passer tous ses disciples à l'eau froide hier: il y aura peu de nouveaux visages au conseil des ministres, a tenu à expliquer lui-même le premier ministre aux députés à qui il annonçait la mauvaise nouvelle.

C'est par exemple sans espoir pour Alain Paquet, professeur d'université qui avait décidé de faire le saut en politique. Même Pierre Moreau, avocat réélu dans Châteauguay après un purgatoire entre 2007 et 2008, était encore, hier soir, loin d'être sûr de monter au cabinet.

«C'est plus facile d'expliquer que personne n'est promu», résume-t-on dans les officines libérales. Moreau était en lice pour le poste de leader parlementaire depuis des mois mais l'arrivée inattendue de Jean Marc Fournier a bouleversé les plans.

Un peu machiavélique, le cabinet du premier ministre a diffusé en milieu d'après-midi hier le communiqué laconique habituel où on annonce la tenue de la réunion hebdomadaire du conseil des ministres, comme pour brouiller les pistes.

Au même moment, Jean Charest, au téléphone, anéantissait les espoirs des jeunes loups de 2003.

Attrition

Il pourrait y avoir quelques rares exceptions toutefois. Car le premier ministre Charest a passé le message. Le remaniement imposera «l'attrition» à l'équipe ministérielle. Il y aura moins de limousines. Ainsi, Norm MacMillan, ministre délégué aux Transports qui avait fait quelques gaffes en parlant des quotas de financement demandés aux ministres sera retourné aux banquettes arrière. Populaire chez les siens, le député de Pontiac devrait conserver des fonctions parlementaires, celles de whip par exemple, lui permettant d'entrer par la petite porte aux réunions des ministres. Pour remplacer ce représentant de l'Outaouais, M. Charest pourrait faire une entorse à sa règle et accueillir un simple député -Stéphanie Vallée, avocate élue dans Gatineau ou Maryse Gaudreault, élue dans Hull après son ancien patron, Roch Cholette.

Dans la même logique «d'attrition», Serge Simard, le ministre délégué aux Mines serait démis de sa charge. Nathalie Normandeau récupère l'ensemble des responsabilités en matière de ressources naturelles, ce que lui a confirmé son patron par un simple coup de fil hier matin. Nicole Ménard, au Tourisme, courait un grave danger.

Julie Boulet, qui depuis des mois veut quitter les Transports, a été rencontrée dans les premiers, en début de journée. Elle voulait les Affaires municipales mais il était impossible de savoir, hier, où elle atterrirait finalement. Sa décision de quitter les Transports a provoqué des appétits inattendus: aguerris, après sept ans de pouvoirs, les ministres ne se gênent plus désormais pour réclamer le portefeuille qu'ils désirent; Jean-Marc Fournier, Line Beauchamp et même Sam Hamad convoiteraient ce ministère stratégique, le plus important «donneur d'ouvrage» du gouvernement. M. Fournier tenait aussi aux Sports et Loisirs, indique-t-on. Claude Béchard, diminué par la maladie, reste au sein du conseil, mais avec des responsabilités moins lourdes.

Des ministres juniors, comme Marguerite Blais aux Aînés, ne devraient pas bouger. En revanche, la chaise musicale atteindra bon nombre de ministres importants.

Outre Julie Boulet, Line Beauchamp, Michèle Courchesne, Yolande James, Sam Hamad et Laurent Lessard verront leurs responsabilités modifiées. Robert Dutil, actuellement au Revenu, va prendre du galon. Lise Thériault, déléguée aux Services sociaux, a donné le feu vert pour qu'on «fasse les boîtes» à son cabinet, afin d'aller relever d'autres défis.

On l'a déjà dit, Pierre Arcand aux Affaires internationales devrait avoir une promotion et pourrait atterrir au Trésor, maintenant que les négociations du secteur public sont terminées. Monique Gagnon-Tremblay doit rester au gouvernement -son comté de Saint-François risquerait de passer aux mains du PQ. Pour sa fin de carrière, certains la verraient bien aux Relations internationales, d'autres dans un poste plus stratégique.