Après une session parlementaire éprouvante, le gouvernement Charest clôt la saison politique sur une bonne note. Il a conclu une improbable entente de principe sur les salaires avec ses 475 000 employés, trois mois seulement après l'échéance des conventions collectives.

Mais pour y arriver, il a dû mettre sur la table environ 750 millions de dollars de plus que prévu. L'entente prévoit en effet des hausses salariales de 7% en cinq ans - dont 1% lié à l'inflation. C'est 2% de plus que ce que prévoyait l'offre initiale du gouvernement.En vertu d'une clause sur la croissance économique elle aussi bonifiée, jusqu'à 3,5% pourraient s'ajouter si la hausse du PIB est plus élevée que prévu. Ainsi, si l'économie s'avérait en effet plus vigoureuse, le gouvernement prendrait une part de l'augmentation de ses revenus pour la redistribuer à ses employés.

Dans l'ensemble, les hausses salariales se situeront entre 7% et 10,5% en cinq ans. Le Front commun syndical, qui réclamait des augmentations de 11,25% en trois ans, se dit satisfait de l'entente.

«C'est une entente historique qui va marquer les relations du travail au Québec», a déclaré le premier ministre Jean Charest hier, aux côtés de la présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay.

La clause qui lie la rémunération à la croissance économique est «un changement de perspective et de culture qui est fondamental pour tous les Québécois, a-t-il ajouté. Nous sommes réunis autour d'une même volonté pour développer notre économie». Selon lui, cette entente de principe «donne cinq ans de stabilité, ce qui est merveilleux» pour le gouvernement comme pour ses employés.

De son côté, Monique Gagnon-Tremblay croit que les hausses salariales sont raisonnables dans le contexte où les finances publiques sont dans le rouge. «C'est une belle journée dans ma vie politique. Vous savez, il n'est pas dans ma nature d'être exubérante, mais aujourd'hui j'ai le goût de crier très fort ma fierté et ma satisfaction», a-t-elle dit. Elle a précisé plus tard qu'elle terminera «sûrement» son mandat.

Cadre financier à respecter

Dans l'optique de ramener l'équilibre budgétaire pour 2013-2014, le gouvernement Charest avait fixé un cadre financier pour le renouvellement des conventions collectives de ses employés: 2,3 milliards, dont 1,6 milliard pour les salaires seulement (ce qui exclut la clause sur la croissance économique). Avec l'entente de principe, 400 millions de dollars s'ajoutent pour financer l'un des deux points de pourcentage supplémentaires. L'autre point lié à l'inflation est payable en 2015 seulement, ce qui permet au gouvernement de le calculer à l'extérieur de son cadre budgétaire. Il sera versé si l'indice des prix à la consommation est supérieur aux augmentations de salaire déjà consenties (6% en cinq ans), une éventualité fort probable - quasi certaine pour le front commun.

«Quand vous commencez une négociation, vous ne la commencez pas à plein régime, a expliqué Monique Gagnon-Tremblay. Alors les 2,3 milliards de dollars, c'est ce que nous avons mis sur la table au tout début de la négociation. Mais, comme gouvernement, vous comprendrez qu'on a été quand même prudents et on a budgété des sommes supplémentaires.»

«C'est une bonne entente, s'est réjoui le président de la CSQ, Réjean Parent. On a tous les outils pour aller chercher l'assentiment de nos membres. Si on regarde la conception de l'entente sur les salaires, il y a un excellent potentiel de protection du pouvoir d'achat, et c'était l'élément le plus sensible chez nos membres.»

M. Parent regrette que le contexte budgétaire n'ait pas permis un rattrapage salarial par rapport au secteur privé. Mais quand on se compare, on se console: «Dans d'autres provinces, on parle de gel des salaires», a-t-il noté.

De son propre aveu, «pas grand-monde aurait parié il y a quelques mois» sur une telle entente. Le succès des négociations s'explique en partie par «l'attitude de respect» de Monique Gagnon-Tremblay, a-t-il dit.

De son côté, le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, accuse le gouvernement Charest d'avoir «plié les genoux devant les syndicats» au moment où il impose des hausses tarifaires aux contribuables.

L'entente de principe sur les salaires est survenue 48 heures après une rencontre au sommet à Québec entre M. Charest et les chefs des trois grandes centrales syndicales. Une conférence téléphonique a scellé l'affaire jeudi soir. C'est la première fois depuis 1999 que Québec et ses employés concluent une entente de gré à gré.

Les négociations précédentes, en 2005, avaient pris fin dans la controverse. Le gouvernement avait fixé par décret les salaires et les conditions de travail de ses employés. Jean Charest dit avoir tiré des leçons de cette expérience. «J'ai appris à être plus direct dans ma manière de communiquer avec les représentants syndicaux et à écouter davantage», a-t-il affirmé. Québec et le front commun s'étaient entendus il y a un an pour entreprendre une «démarche accélérée de négociations» avant l'échéance des conventions collectives, le 31 mars 2010.

Des ententes de principe sur les clauses normatives - non pécuniaires - ont été conclues pour près de 90% des 475 000 syndiqués représentés par le front commun. La FIQ, qui représente 58 000 infirmières, est le seul syndicat majeur du front commun à ne pas avoir d'entente sur les conditions de travail. Les négociations ne sont donc pas totalement terminées pour le gouvernement.

 

L'ENTENTE DE PRINCIPE EN CHIFFRES

2010-11: 0,5%

2011-12: 0,75%

2012-13: 1%

2013-14: 1,75%

2014-15: 2%

Plus: 1% versé en 2015 si l'IPC est supérieur aux augmentations de 6% consenties au cours des cinq années précédentes

Plus: Jusqu'à 3,5% si la croissance économique est supérieure à celle prévue par le gouvernement