Michel Bastarache se dit «surpris» d'une demande de l'opposition officielle, qui veut obtenir le statut de participant à sa commission d'enquête. Il soulève de nombreux doutes sur la pertinence de la participation de l'équipe péquiste, bien qu'il étende son examen à la nomination des juges sous le PQ, de 2000 à 2003.

La commission Bastarache a lancé ses travaux, lundi, avec des audiences visant à déterminer qui aura le statut de participant à l'enquête publique. Le premier ministre Jean Charest, le gouvernement, le Parti libéral mais aussi l'opposition péquiste - entre autres - ont déposé une demande.L'avocate de l'opposition officielle, Me Julie Chenette, a plaidé que son client a «un intérêt important et direct» dans les travaux de la commission. Le groupe formé des députés du PQ à l'Assemblée nationale doit «surveiller les actes du gouvernement» et «participer à l'élaboration des lois», dont certaines pourraient découler de l'enquête publique, a-t-elle expliqué.

Or, pour Michel Bastarache, «ce sont ces mêmes genres d'intérêts de nature politique ou partisane qui ont amené les autres commissions à refuser très souvent le statut à des partis politiques. Tout simplement parce que les commissions ne sont pas des forums politiques, et qu'on ne veut pas politiser le travail de la commission».

Le commissaire s'est dit «un peu surpris que la demande soit faite au nom de l'opposition officielle parce que c'est totalement inédit». Règle générale, ce sont les partis politiques qui font une demande pour participer à une enquête publique.

«L'opposition officielle, ce n'est pas une personne morale, c'est un statut, un statut non permanent. Ça peut changer, ça peut même changer en cours de route. Et ce n'est pas un organisme public comme tel», a dit l'ancien juge de la Cour suprême.

Réplique du juge

Michel Bastarache a ensuite souligné que, dans sa requête, l'opposition officielle affirme qu'un statut de participant lui permettrait d'obtenir toute l'information de la commission pour mieux jouer son rôle. «Mais est-ce qu'on ne cherche pas plutôt ici comment vous, vous allez aider la commission, plutôt que comment la commission va vous aider vous?» a-t-il lancé, une réplique qui a soufflé l'auditoire.

Me Chenette a répliqué que l'intérêt de l'opposition officielle «n'est pas partisan». «L'éclairage de l'opposition officielle devant vous sera le pendant, le ballant de l'éclairage que le gouvernement peut vous donner.»

Au moment de conclure l'échange, Michel Bastarache a laissé peu d'espoir à l'opposition officielle quant à sa participation. La demande sera étudiée comme les autres, mais «je ne connais pas de précédent en la matière», a-t-il souligné.

L'opposition officielle a demandé à la commission une aide financière pour participer à l'enquête publique. Me Chenette a accepté de la représenter au taux horaire de 150$ et de faire des débours «raisonnables». Les budgets de l'Assemblée nationale versés à l'équipe péquiste ne prévoient aucune somme pour participer à une telle commission, a noté l'avocate.

Me Chenette dit qu'elle ignorait que la commission examinera la nomination des juges depuis 2000, donc en partie lorsque le PQ était au pouvoir. Michel Bastarache a apporté cette précision pour la première fois lundi. Il veut «vérifier comment (les processus) ont évolué durant les dernières années, en faire une analyse comparative et s'interroger sur les questions éthiques qui se posent».

De son côté, Me André Dugas, qui représente le Parti libéral, a plaidé que le parti est directement visé par l'enquête, pourrait identifier les personnes qui participent bel et bien à son financement et doit protéger sa réputation mise en cause par les allégations de Me Marc Bellemare. Me André Ryan, avocat de Jean Charest, a avancé des arguments semblables, ajoutant que le premier ministre est «ultimement le premier responsable des nominations» à titre de président du conseil exécutif.

Le Tribunal administratif du Québec, la Conférence des juges et le Barreau ont également fait un plaidoyer pour obtenir le statut. Marc Bellemare n'a pas demandé à être participant, mais il sera appelé à comparaître. L'ancien ministre a toutefois annoncé son intention de ne pas se présenter à la commission (voir texte ci-dessous).

Michel Bastarache fera connaître sa décision - sans appel possible - plus tard cette semaine. Les audiences reprendront à la fin de l'été.

Dans son discours d'ouverture, le commissaire a souligné qu'il n'a pas le pouvoir d'élargir son mandat - ce que demande l'opposition -, mais qu'il «possède une marge de manoeuvre suffisante». «Cette enquête ne sera pas limitée aux assertions» de Me Bellemare, a-t-il ajouté. «Il m'incombe de vérifier s'il existe ou non un problème systémique d'intervention de tiers quant aux nominations à la Cour du Québec. Pour garantir la confiance du public en notre système judiciaire, on doit faire la lumière sur les inférences qu'on peut tirer des allégations de Me Bellemare.» L'ancien ministre de la Justice estime avoir subi des pressions de la part de collecteurs de fonds du PLQ pour nommer des juges. Il dit avoir alerté M. Charest à plusieurs reprises à ce sujet.