And the winner is... Amir Khadir! À l'Assemblée nationale, libéraux et péquistes ont mis fin à leurs affrontements quotidiens jusqu'à septembre prochain. Des échanges acrimonieux, d'une violence rare; les collisions entre Pauline Marois et Jean Charest se sont même rendues aux attaques personnelles. Chacun a mis en doute jusqu'à l'intégrité de l'adversaire, l'équivalent d'un tir de bazooka à bout portant pour un politicien.

Pauline Marois a accusé Jean Charest de refuser une enquête publique sur la construction pour «ne pas mordre la main qui le nourrit». Elle a renchéri en soutenant qu'il avait traficoté avec Karlheinz Schreiber, le «marchand d'armes aujourd'hui en prison» pour son financement.

Jean Charest n'est pas en reste. Il a maintes fois accusé la chef péquiste d'avoir carrément «donné une pension à vie à son conjoint», Claude Blanchet - 86 000$ par année pour six années à la barre de la SGF. Puis les contributions des firmes de génie-conseil et même de ses enfants à sa campagne au leadership du PQ de 2005 sont venues «salir le foulard blanc» qu'elle arborait comme membre de la coalition en faveur d'une commission d'enquête sur la construction.

Et hier, à la clôture des travaux parlementaires, le ton n'a pas baissé. C'est rare en politique québécoise, mais Jean Charest et Pauline Marois se méprisent, même quand les caméras sont fermées.

C'est la session des coups bas qui se termine, mais le règne du cynisme, lui, est commencé depuis longtemps. Les caricatures illustrent même Jean Charest et Pauline Marois en train de se battre dans la boue.

Dans ce concert d'invectives, la contribution mesurée du député de Mercier, Amir Khadir, devient plus évidente. Lui ne lancerait plus ses chaussures vers une affiche de George W. Bush.

Avec son équipe microscopique et des budgets de recherche homéopathiques, le représentant de Québec solidaire a la plupart du temps amené sur la place publique des questions complexes et importantes: le prix des médicaments, les redevances des minières, les enjeux du nucléaire ou de l'utilisation de l'amiante. Avec la foi du charbonnier, Amir Khadir fait ses conférences de presse, parfois même sans journalistes... avec l'espoir que ses propos seront repris, diffusés sur l'internet ou par l'entremise de la télédiffusion des débats.

Étonnamment, sur la question de l'heure - le financement des partis politiques par l'intermédiaire de prête-noms -, c'est M. Khadir qui a déposé au dossier la pièce la plus lourde: les ramifications entre plusieurs sociétés de génie-conseil et les donateurs libéraux et péquistes. Un travail de bénédictin.

Charest ébranlé

Le gouvernement Charest sort lourdement ébranlé de cette session parlementaire. Du point de vue des lois adoptées, le bilan est si mince que Jean Charest n'avait pas cru utile d'amener son leader parlementaire au point de presse de fin de session. Le projet de loi sur l'éthique, qui devait être la pièce de résistance du menu législatif, est resté sur la table, comme d'ailleurs celui sur le financement des partis politiques. Idem pour le projet de loi qui balise le port du voile. Un projet important sur l'environnement est aussi sur une voie de garage, tout comme les modifications au Code de la route, l'abaissement du taux d'alcoolémie maximum à 0,05, dont on discute pourtant depuis près d'un an.

Pour adopter le projet de loi 100 sur des mesures du budget, le gouvernement a dû se prêter à des contorsions sans précédent; on a amorcé une deuxième journée parlementaire en après-midi hier, avec une deuxième période des questions, afin de pouvoir imposer la clôture des débats et mettre en oeuvre des mesures du budget Bachand. Seule satisfaction pour les libéraux, le projet de loi 103 sur les écoles-passerelles n'a pas soulevé de tsunami.

Sur le plan politique, Jean Charest sort très affaibli du parlement. Dès l'automne, le départ de David Whissell du Conseil des ministres laissait prévoir que les questions d'éthique allaient occuper le haut du pavé. La session d'hiver a débuté sur le plaidoyer de culpabilité du député libéral Jean D'Amour pour une affaire de lobbyisme. Puis l'avion s'est mis à tomber en vrille. L'ancien ministre de Jean Charest Marc Bellemare est soudainement sorti de l'ombre et a jeté le doute, six ans après son départ, sur l'honnêteté des dirigeants du PLQ et l'indépendance des juges. Il y a aussi eu les explications sinueuses du ministre Tony Tomassi sur l'attribution des permis de garderie, avant sa démission attendue, pour une raison inattendue: l'utilisation d'une carte de crédit de la firme BCIA.

Pendant des semaines, la période quotidienne des questions a pris l'allure du supplice de la goutte pour l'équipe libérale. Les reportages, lancinants, sur la collusion et la corruption dans l'industrie de la construction, les révélations de La Presse sur la proximité du patron de BCIA avec M. Tomassi et Jacques Dupuis ont sérieusement terni l'image du gouvernement. En comparaison de ces problèmes d'éthique, les dérives pourtant importantes des contrats d'informatique ou les aléas du projet du CHUM ont paru bien secondaires au cours du printemps. Les problèmes d'intégrité ont même occulté le budget de Raymond Bachand, qui aurait pu éclater sous les pieds du gouvernement. La préparation du budget avait été laborieuse; Jean Charest avait, à la onzième heure, décidé d'un changement dans son positionnement et d'insister surtout sur les coupes que s'imposait le gouvernement.

Comme en désespoir de cause, Jean Charest a subitement mis sur la table sa prime annuelle de 75 000$ que lui verse son parti pour obtenir l'adoption du projet de loi sur l'éthique, destiné à redorer le blason du gouvernement. Sans succès.

En observation

Pour les péquistes, Pauline Marois est toujours en observation. Quand le gouvernement est si profondément enfoncé dans les controverses, quand une question aussi névralgique que l'intégrité est en cause, quand la satisfaction n'est plus au rendez-vous, comment expliquer que l'opposition ne soit pas au zénith dans les intentions de vote?

Si la chef péquiste n'a pas fait beaucoup d'erreurs, ses attaques sur les contributions politiques ont eu un effet boomerang. Difficile de plaider qu'on lave plus blanc quand on a aussi cédé au chant des bailleurs de fond.

Le PQ est allé bien loin également en mettant en doute l'intégrité de la commission Bastarache et celle de son principal procureur, Me Pierre Cimon. Mais dans le «derby de démolition» des dernières semaines, le PQ n'en était pas à dénombrer les victimes collatérales.

Bien plus que la performance de Pauline Marois, ce qui frappe au PQ, c'est la profondeur du «banc», comme disent les gérants d'estrade. Des jeunes députés pugnaces des deux dernières élections, Nicolas Girard, Véronique Hivon, Bertrand Saint-Arnaud, Bernard Drainville, Nicolas Marceau et François Rebello, ont constamment attaqué le gouvernement. Souvent avec succès.

À la veille de remanier son équipe, Jean Charest sait qu'il se doit d'abattre une carte importante pour renverser la vapeur, donner l'impression d'un nouveau départ. Son club aussi a des ressources: les Pierre Moreau et Alain Paquet brûlent de sauter sur la glace, mais au prix de rétrogradations douloureuses de ministres, ce que Jean Charest déteste.

Qui a gagné... qui a perdu? Le gouvernement, clairement, sort mal en point du parlement. Mais quand les débats sont aussi hargneux, quand autant de boue est lancée... tout le monde est un peu taché.