Le premier ministre Jean Charest a fait convoquer tous les chefs de cabinet à Québec pour le jeudi 17 juin, un indice qui pointe vers un brassage des cartes au Conseil des ministres.

La convocation ne laissait pas place à la négociation: «Tout le monde est attendu», a appris La Presse. La machine administrative est paralysée puisque les mandarins s'attendent à changer de patron. Les compressions de 10% des dépenses commandées dans le budget Bachand sont au menu de la réunion du Conseil des ministres demain. Mais les participants ont davantage la tête au remaniement, même si on les a prévenus qu'ils auraient, exceptionnellement, à rester au Québec jusqu'au 7 juillet pour une autre réunion du Conseil des ministres.

La grogne s'est installée dans bon nombre d'officines politiques, et le chef de cabinet de Jean Charest, Marc Croteau, sert souvent de paratonnerre. On relève qu'il «n'est pas très politique» et tente trop souvent de gérer tout l'appareil gouvernemental «de son ordinateur».

De façon prévisible, hier, le premier ministre Charest a voulu réduire la pression en soutenant qu'il «ne travaillait pas à un scénario de remaniement ministériel» et qu'il avait été même «surpris» de lire hier un reportage prédisant les modifications à venir au Conseil des ministres. Mais dans son entourage, on reconnaît facilement que ces déclarations ne tiennent que pour l'avenir immédiat. On ne peut exclure un remaniement avant les vacances d'été, après l'ajournement des travaux parlementaires, prévu le 11 juin.

Selon un reportage de La Presse Canadienne publié hier, trois ministres, toutes des femmes, seraient au centre d'un important remaniement. En mai, La Presse avait déjà indiqué que Julie Boulet allait quitter les Transports, à sa demande pressante. On entend fréquemment qu'elle atterrirait aux Affaires municipales.

Line Beauchamp voulait les Transports, mais son cas reste en suspens. À défaut, elle prendrait l'Éducation, mais plusieurs stratèges la voient à la Santé, où le Dr Yves Bolduc constitue un problème pour Jean Charest.

En mai, commentant l'annonce de son départ par La Presse, M. Bolduc s'était spontanément dit disposé à servir où Jean Charest l'enverrait. Hier, le néophyte, plus circonspect, a souligné qu'il était venu en politique pour la Santé. Jean Charest n'a pas du tout besoin d'une élection complémentaire de plus, même dans une circonscription très libérale comme Jean-Talon.

Ingénieur émérite, l'ancien recteur de l'Université Laval Michel Pigeon serait susceptible de monter aux Transports. Mais à 10 jours d'un remaniement, il est très difficile de prédire où chacun sera assis quand la musique stoppera.

Michelle Courchesne pourrait quitter l'Éducation, mais rien n'est acquis. Il y aura des états généraux importants dans ce secteur l'automne prochain, et les stratèges libéraux ont clairement misé sur elle pour vendre le projet de loi 103, la réponse au jugement de la Cour suprême sur les écoles «passerelles».

C'est prévu depuis plus d'un mois: on ne touchera pas aux Raymond Bachand (Finances) Clément Gignac (Développement économique) et Monique Gagnon-Tremblay (Trésor).

En revenant à l'Assemblée nationale, Claude Béchard veut clairement envoyer un message: Jean Charest doit compter avec lui dans son jeu de cartes. On lui a passé un message, cependant: le ministre de l'Agriculture pourrait conserver un seul de ses deux postes, le moins accaparant, soit les Affaires intergouvernementales... Mais il a fait savoir «qu'il ne voulait pas revenir à moitié», a dit un proche. Robert Dutil, qui l'a remplacé loyalement à l'Agriculture, prendra du galon. Le Revenu pourra être attribué à un nouveau ministre.

Jacques Dupuis quitterait ses fonctions de leader parlementaire au profit de Pierre Moreau, qui monterait au Conseil des ministres. Les départs de David Whissell et Tony Tomassi ont libéré des postes. Alain Paquet, élu depuis 2003 dans Laval, est aussi un nom qui revient parmi les promotions probables.

Les syndicats inquiets

En conférence de presse, hier, les leaders syndicaux du front commun n'ont pas caché qu'un remaniement ministériel à ce moment-ci dans les secteurs clés de l'Éducation et de la Santé leur pose problème.

Les centrales insistent pour qu'un règlement soit atteint avant les vacances d'été, même en santé, où les discussions piétinent. Selon Louis Roy, vice-président de la CSN, un remaniement ministériel à ce moment-ci risque de compromettre la bonne marche des discussions.