La question de la souveraineté du Québec sera «toujours présente», même si le monde a bien changé en 30 ans, estime le premier ministre Jean Charest.

 C'est ainsi que M. Charest a commémoré jeudi le premier référendum sur la souveraineté, tenu le 20 mai 1980.

«Je ne vois pas la question de la souveraineté disparaître, a-t-il dit en point de presse avant d'entrer à l'Assemblée nationale. Il faut respecter ceux qui font ce choix. En même temps, en 30 ans, le Québec et le monde ont beaucoup changé. (...) Moi je vois l'avenir du Québec à l'intérieur du Canada, dans de grands ensembles.»

Il y a exactement 30 ans, les Québécois refusaient à 59,56% la proposition de souveraineté-association du camp du Oui, présidé par le premier ministre péquiste René Lévesque. Le comité du Non fédéraliste était présidé par le chef du PLQ, Claude Ryan, épaulé par le premier ministre fédéral Pierre Elliott Trudeau. Le taux de participation de 85,60% était sans précédent.

M. Charest a indiqué que les Québécois peuvent être fiers «du sens de leur devoir démocratique». Selon lui, il n'y a pas beaucoup d'endroits dans le monde qui peuvent se targuer d'avoir accompli un exercice aussi «difficile» de façon aussi «sereine».

«Franchement, on s'est bien comporté dans cet exercice-là», a-t-il fait remarquer.

M. Charest n'a pas voté le 20 mai 1980: il était dans la salle des machines d'un navire sur les Grands Lacs.

«C'était l'été de notre mariage, Michèle et moi, et j'avais besoin de travailler», a-t-il commenté.

Son ministre des Finances, Raymond Bachand, a travaillé un an et demi à temps plein avec René Lévesque pour le référendum: il était directeur général adjoint de la campagne du Oui.

«C'était la première fois que le Québec exerçait son droit à l'autodétermination, c'était un grand jour de la démocratie. Ça nous appartient. Le choix a été fait.»

Pour justifier son cheminement de péquiste à libéral, il s'est empressé d'ajouter que le monde avait «beaucoup changé». Aussi, il a dit qu'il avait accepté la volonté de la population.

Quand on lui fait remarquer que le Québec n'avait toujours pas signé la Constitution rapatriée, il a répété qu'au-delà de ces événements «le monde a changé considérablement et le Québec a fait beaucoup de progrès».

«Les Québécois ne veulent pas de débat référendaire, et ils veulent participer au monde et à la planète.»

De même, à ses yeux, la souveraineté est un concept «différent au XXIe siècle».

Députée péquiste, Louise Beaudoin a fait la campagne de 1980, mais n'était pas une élue à l'époque. Elle juge pour sa part que la souveraineté reste un concept actuel, une idée moins vieille que «le fédéralisme qui date de 1867».

Le soir du 20 mai, elle commentait les résultats à la télévision avec l'ancien premier ministre Robert Bourassa et un vieux compagnon de M. Trudeau, Jean Marchand. Ce sont d'ailleurs eux qui l'avaient consolée, s'est-elle rappelée dans un entretien téléphonique.

«Ils me disaient, ne t'en fais pas, on en gagne, on en perd», a-t-elle évoqué.

Elle a le souvenir d'une campagne faite dans l'allégresse devant des foules enthousiasmées par le charisme de René Lévesque qui, malgré la défaite prévisible, ne laissait pas transparaître de découragement.

Fils du ministre péquiste Marc-André Bédard, le leader parlementaire en Chambre du PQ, Stéphane Bédard, avait 12 ans le 20 mai 1980 et posait alors des affiches pour son père. Ébranlé par les résultats en soirée, il a dit qu'il était alors animé de «la pensée magique» et sortait dehors par intervalle en espérant qu'ils aient changé à son retour.

«Je pense que (le référendum) a contribué à la fierté», a-t-il commenté en conférence de presse.

Il a contribué à un débat sain en donnant des règles précises qu'on ne peut plus changer, a-t-il expliqué, en ajoutant que ce qu'ont fait les fédéralistes par la suite, notamment au deuxième référendum, en 1995, est «navrant».

«Je pense que c'est une longue marche, la souveraineté. (Le référendum de 1980) a été le premier pas, il y en aura d'autres.»

Le chef de l'Action démocratique du Québec (ADQ), Gérard Deltell, a quant à lui soutenu que le rendez-vous de 1980 est un «moment charnière de notre histoire» et on ne sera «jamais assez reconnaissant» envers René Lévesque pour l'avoir fait «dans les règles de l'art».

L'événement a aussi eu des «séquelles» dans les familles, a-t-il poursuivi durant une conférence de presse. Et malgré tout, il constate que 30 ans plus tard, toujours au sein du Canada, «le Québec a réussi à s'affirmer et à s'épanouir».

«Pour nous, ce débat-là ne doit pas être devant. Ce qui est au devant, c'est la question des finances publiques, parce qu'il faut avoir les moyens de nos ambitions.»