La ministre de la Justice, Kathleen Weil, a reçu des avis allant dans tous les sens, hier, au premier jour des consultations sur son projet de loi encadrant les demandes d'accommodement dans l'administration publique.

Seul le Barreau du Québec a appuyé son projet de loi, avec toutefois quelques réserves.

La Ligue des droits et libertés a dénoncé un «courant islamophobe» et accuse le gouvernement d'ostraciser les femmes qui portent le niqab ou la burqa.

Fidèle à lui-même, le maire de Saguenay, Jean Tremblay, a fait une sortie remarquée en faveur de l'interdiction totale de la burqa et du niqab dans tout l'espace public. Selon lui, le projet de loi 94 est trop timide. L'article 6 prévoit que les employés de l'État et les personnes qui reçoivent les services d'organismes publics et parapublics doivent avoir «le visage découvert lors de la prestation des services». Si un accommodement est demandé, il doit être refusé «si des motifs liés à la sécurité, à la communication ou à l'identification le justifient».

«La loi ne va pas assez loin. Elle devrait immédiatement interdire ce genre d'habillement-là», a affirmé Jean Tremblay aux journalistes après son passage devant les parlementaires.

Il croit qu'il est inacceptable qu'une personne ait le visage voilé pour des raisons religieuses : «Ça ne devrait pas être permis. C'est une question de bon sens. Avec le visage couvert, tu ne peux pas identifier la personne.»

«Inquiétant»

De son côté, la Ligue des droits et libertés trouve le projet de loi 94 «inutile» et «inquiétant». «Les dispositions juridiques actuellement en vigueur encadrent adéquatement la mise en oeuvre du concept d'accommodement raisonnable», soutient la Ligue. Le projet de loi cible en particulier, sans toutefois les nommer, les musulmanes qui portent le voile intégral et «envoie le message qu'elles sont persona non grata», a dit le président de la Ligue, Dominique Peschard. Il craint que l'article 6 devienne «un obstacle à l'intégration» et que les musulmanes soient «ostracisées». Les femmes portant la burqa ou le niqab, peu nombreuses, ne représentent pas une «menace à l'égalité» homme-femme et sont une «cible politique facile». «Le débat ne se fait sur le dos que d'une seule communauté, la communauté musulmane», a ajouté M. Peschard, dénonçant «un courant islamophobe dans le monde occidental».

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui compte 180 000 membres, demande le retrait du projet de loi. Elle recommande au gouvernement de déposer «le plus rapidement possible» un livre blanc sur la laïcité de l'État - une proposition de la commission Bouchard-Taylor - en vue de créer une charte. Autrement, «on est condamné au cas par cas», a dit le président Réjean Parent. «Le fait de refuser le débat nous condamne à le recommencer de semestre en semestre.»

Un appui du Barreau

Le Barreau du Québec appuie le projet de loi de la ministre Weil. Le bâtonnier Pierre Chagnon n'a recommandé que quelques modifications à certains articles, «afin d'éviter une application trop limitative du droit à l'accommodement raisonnable».

Il a donné des exemples où le port du voile intégral pourrait être toléré, selon lui. «Dans le cas d'un cours de chimie, de physique ou de mathématiques, il n'y a aucun empêchement à ce que cette personne porte la burqa. Dans le cas d'une personne qui porte une burqa et qui se présente dans un bureau de tourisme pour obtenir un document d'information, la prestation de service n'est pas gênée», a-t-il affirmé.