Désabusés, les électeurs québécois? D'après notre sondage, cela ne fait aucun doute. Une forte proportion de répondants se disent découragés, rebutés. Ils posent un jugement très dur sur la classe politique. Et l'immense majorité des répondants ne fait tout simplement pas confiance aux politiciens.

Près de 9 électeurs québécois sur 10 se disent «découragés ou rebutés» par les politiciens. Près de la moitié des Québécois sont si désabusés par la politique qu'ils se décrivent carrément comme des électeurs «cyniques», montre un sondage réalisé par la firme Angus Reid pour le compte de La Presse.

Les résultats de ce coup de sonde auprès de 807 personnes montrent en effet que 87% des répondants choisissent les qualificatifs «découragé» ou alors «rebuté» pour décrire leur sentiment envers la politique. Un électeur sur cinq (21%) se dit indifférent. Seulement 9% se disent «optimistes» et 11% se qualifient de «passionnés». Chez les électeurs d'âge moyen (34 à 55 ans), la proportion de découragés et de rebutés grimpe à 94%.

Lorsqu'on demande aux répondants s'ils se considèrent comme des électeurs désabusés ou cyniques, 47% (et 50% des femmes) répondent par l'affirmative. De plus, 37% répondent par la négative et 16% ne sont pas certains.

«L'intérêt des gens pour la politique n'a pas diminué. Ils suivent encore ça. Mais il y a une frustration, un découragement, une soif de changement, dit Jaideep Mukerji, vice-président de la firme Angus Reid. Le cynisme est bien présent. Et à long terme, cela pourrait mener à un phénomène plus inquiétant de décrochage.»

L'intégrité, un facteur-clé

Et pourquoi les électeurs québécois sont-ils si désabusés? Surtout à cause de l'intégrité. C'est la raison numéro 1 qu'invoquent 80% des répondants pour expliquer leur désenchantement. Le manque d'efficacité (75%) arrive au deuxième rang et les scandales récents (62%), au troisième. Les deux tiers des répondants (61%) pensent que «rien ne change en politique». Enfin, 48% ont parlé du «manque d'idées» des politiciens.

Près de 80% sont plutôt en désaccord ou fortement en désaccord avec l'affirmation suivante: «Les politiciens sont honnêtes.» Seulement 14% sont d'accord avec cette assertion. De même, 88% des répondants sont en désaccord avec l'affirmation «les politiciens disent la vérité». Seulement 9% pensent que les politiciens disent la vérité. À noter: aucun répondant (0%) ne s'est dit fortement en accord avec le fait que les politiciens disent la vérité. Quelque 69% sont en désaccord avec l'idée que «les politiciens recherchent l'intérêt de la population». Près de la moitié (45%) sont cependant prêts à reconnaître que «les politiciens travaillent fort».

Que ce soit sur la scène québécoise ou au fédéral, le jugement des électeurs est le même. Les deux tiers des répondants disent que leur degré de confiance envers le gouvernement du Québec est faible ou très faible. La proportion est exactement la même à l'égard du gouvernement fédéral.

Cependant, le manque d'enthousiasme envers les chefs des partis du Québec (tous les partis) est total: 37% des répondants disent qu'aucun chef ne leur inspire confiance. Un électeur sur cinq (21%) fait confiance à la chef péquiste, Pauline Marois, 15% au premier ministre Jean Charest, 11% à Françoise David (Québec solidaire) et 9% à Gérard Deltell (ADQ).

«Il y a du désenchantement partout au Canada, mais le Québec est certainement parmi les populations les plus désabusées au pays», dit M. Mukerji.

Dans le bon vieux temps

Mais qui inspirerait confiance aux électeurs québécois? Globalement, les répondants voient beaucoup plus positivement les politiciens d'il y a 20 ans. Ainsi, 57% d'entre eux pensent qu'ils étaient plus honnêtes, 61% pensent qu'ils disaient davantage la vérité et 60% disent qu'ils travaillaient davantage dans l'intérêt de la population.

Nous avons demandé aux répondants de choisir dans une longue liste de chefs de partis politiques québécois, passés ou actuels, ceux qui leur inspirent confiance. René Lévesque arrive en tête de liste, choisi par 62% des répondants. Lucien Bouchard arrive deuxième: il est le choix de 41% des répondants. Au troisième rang: Robert Bourassa, choisi par 35% des répondants.

«Pour ce qui est du Québec, les gens ont la nostalgie du passé. Les chefs actuels ont de la difficulté à soutenir la comparaison», observe M. Mukerji.

Au fédéral, les résultats sont plus surprenants: Jack Layton, choix de 44% des répondants, arrive premier. Gilles Duceppe (33%) deuxième et Pierre Elliott Trudeau, troisième (30%). Jaideep Mukerji croit cependant que la grande popularité de Jack Layton au fédéral s'explique surtout par le fait que les électeurs sont persuadés qu'il ne prendra pas le pouvoir. Quant à Gilles Duceppe, l'immense majorité des électeurs souverainistes ont opté pour lui.