Le Directeur général des élections du Québec a ouvert une enquête sur certains éléments douteux du financement de l'association libérale de Laviolette, circonscription de la ministre des Transports, Julie Boulet. Il a de plus demandé à son service juridique de vérifier si les contributions de 20 représentants de quatre firmes de génie-conseil, surtout au PLQ, ont été faites en toute légalité.

Le DGE, Marcel Blanchet, faisait des vérifications auprès de la ministre Boulet et de son association depuis la fin du mois de février, après que la ministre eut déclaré en conférence de presse que les dons des entreprises aux partis politiques sont légaux. C'est au contraire illégal. En vertu de la loi électorale, seul un particulier peut contribuer à la caisse d'un parti politique. Le maximum permis est de 3000$ par année.Les enquêteurs du DGE ont étudié les rapports financiers 2008 et 2009 de l'association libérale de Laviolette, en Mauricie. Ils ont «découvert des choses qui suscitent un besoin de faire enquête», a dit jeudi une porte-parole du DGE, Cynthia Gagnon.

Sa collègue Audrey Garon a précisé plus tard que l'enquête ne porte pas sur Mme Boulet directement, mais sur des éléments douteux constatés dans le financement de l'association libérale. Le DGE n'a pas donné de détails sur l'objet exact de son enquête.

Julie Boulet n'en sait pas plus sur la nature de l'enquête, mais elle assure que celle-ci ne porte ni sur elle ni sur son association de circonscription. Selon elle, il y a deux semaines, des représentants du DGE ont fait un «rapport verbal» de leurs vérifications à son agent officiel et au responsable du financement de son association. «Ils nous ont dit que tout était correct, tout était conforme, que tout le processus respectait les règles», a-t-elle affirmé.

Selon Audrey Garon, «les inspecteurs ont confirmé que les registres sont bien tenus et qu'il y a eu une bonne collaboration. Mme Boulet interprète ça comme un signal que les vérifications étaient terminées, mais ce n'était pas le cas».

Le début de l'affaire

Cette affaire a commencé le 24 février, lorsque Julie Boulet a déclaré en conférence de presse: «Il y a des règles qui régissent et qui encadrent le financement des partis politiques. C'est légal au Québec de faire du financement politique, que les compagnies donnent.» La ministre des Transports martèle que ce n'était qu'un lapsus. «Je sais très bien que ce sont les individus qui donnent, pas les entreprises», a dit Mme Boulet. Elle a ajouté: «Moi, je n'en fais pas, de financement. Je ne sollicite jamais personne.» Notons que Norman MacMillan a révélé au mois de décembre que chaque ministre doit recueillir 100 000$ par année en dons pour le parti.

La chef péquiste, Pauline Marois, estime pour sa part que Julie Boulet doit quitter le Conseil des ministres jusqu'à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Quand le DGE déclenche une telle enquête, «normalement, on devrait se retirer de sa fonction ministérielle», a-t-elle dit. Elle a rappelé que, en mai 2003, Mme Boulet avait démissionné de son poste de ministre déléguée à la Santé après avoir admis qu'elle avait reçu des piluliers en cadeau de la part de sociétés pharmaceutiques alors qu'elle était copropriétaire d'une pharmacie à Saint-Tite.

D'autres vérifications

En décembre dernier, avant Mme Boulet, deux autres ministres, Michelle Courchesne et Norman MacMillan, avaient également laissé entendre que les dons d'entreprises sont légaux. Le DGE poursuit ses «vérifications» dans leurs cas. Il a «du mal à joindre» le représentant officiel de Mme Courchesne, Benoît Cyr, a noté Cynthia Gagnon. «On a besoin d'avoir accès à des documents qui sont détenus à l'association de circonscription (Fabre, à Laval), et on n'a pas encore pu obtenir rendez-vous avec M. Cyr. Il avait beaucoup d'indisponibilités dernièrement.»

En mars, le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a remis au DGE une liste de 111 donateurs principalement libéraux qui, selon ses recherches, sont employés ou dirigeants de quatre firmes de génie qui reçoivent d'importants contrats publics: Axor, BPR, Cima" et SNC-Lavalin. Leurs dons au PLQ auraient totalisé 300 000$ pour la seule année 2008, une moyenne de 2700$. Les représentants de Cima" auraient versé 37 000$ au PQ. M. Khadir soupçonnait un «trafic d'influence» et soulevait la possibilité que des employés aient servi de prête-noms afin de contourner l'interdiction faite aux entreprises de contribuer aux partis politiques.

Il se questionnait par exemple sur le cas d'une réceptionniste qui a donné le maximum légal de 3000$. Le DGE a demandé aux donateurs de lui confirmer par écrit avant le 21 avril que leur contribution «a été faite personnellement, à même leurs propres biens, sans contrepartie ni remboursement» de la part de leur employeur, comme le prévoit la loi, a indiqué Cynthia Gagnon. Vingt employés ou dirigeants de ces firmes n'ont pas répondu.