Le premier ministre Jean Charest était au courant d'irrégularités dans le financement du Parti libéral du Québec, en lien avec l'industrie de la construction, affirme catégoriquement l'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare.

En entrevue téléphonique à La Presse Canadienne mercredi, M. Bellemare contredit donc la version des faits donnée par le premier ministre le matin même.

Invité à commenter l'affirmation de M. Charest, qui soutenait que «jamais, jamais, jamais», Marc Bellemare ne lui avait «soufflé un mot là-dessus», ce dernier a eu cette réponse: «C'est faux!»

A la question suivante: «Avez-vous déjà informé le premier ministre Charest d'irrégularités dans le financement du parti venues à votre connaissance?», il a répondu: «Oui».

Il a cependant refusé mordicus de dire à quel moment il avait donné ces informations au premier ministre, ni quelle avait été sa réaction.

«Je vais simplement me limiter à vous dire que c'est faux», a-t-il ajouté.

L'ex-ministre retourné à la pratique du droit a été piqué au vif par les déclarations de M. Charest qui a dit que son ancien ministre de la Justice et Procureur général ne l'avait jamais informé de quelque irrégularité que ce soit, ni lorsqu'il était membre du gouvernement, ni par après.

Au cours des derniers jours, dans deux entrevues à des médias de Québec, Marc Bellemare, qui a quitté la politique en 2004, a affirmé savoir «des choses» - sur les liens financiers entre le PLQ et l'industrie de la construction - qui pourraient «embarrasser le gouvernement», sans vouloir en dire davantage.

Le Directeur général des élections (DGE) contactera Me Bellemare pour l'inviter à dévoiler ce qu'il sait, à propos d'importantes sommes d'argent prétendument versées par plusieurs entreprises de construction au PLQ.

Mais ce dernier affirme qu'il n'est pas intéressé.

Cependant, il a dit qu'il accepterait volontiers de déballer son sac devant une commission d'enquête sur l'industrie de la construction, si une telle instance était instituée, ce qu'il souhaite d'ailleurs.

«Si j'étais assigné, il y aurait des choses qui seraient dites», a répété Me Bellemare mercredi.

«Une commission d'enquête, c'est quelque chose», car elle a le pouvoir d'enquêter «en long et en large», contrairement à un organisme public, comme le DGE, qui «décide de façon très précise, très sectorielle d'enquêter» sur tel ou tel sujet.

Au bureau du Directeur général des élections, Marcel Blanchet, on dit prendre «au sérieux» les allégations de l'ex-ministre de la Justice.

C'est pourquoi on le contactera dans les jours qui viennent, pour tenter de le convaincre de se mettre à table et de dévoiler ce qu'il sait relativement à d'éventuelles infractions du PLQ à la loi, a indiqué la porte-parole du DGE, Cynthia Gagnon.

En quelques mois à peine, c'est la quatrième fois qu'un ministre ou ex-ministre du gouvernement Charest est invité à s'expliquer au DGE sur les sources de financement du PLQ.

Avant M. Bellemare, les ministres Julie Boulet, Michelle Courchesne et Norman McMillan ont tous trois laissé entendre publiquement que les entreprises finançaient le parti, ce qui est illégal.

De son côté, le PLQ encourage l'ex-ministre Bellemare à collaborer avec le DGE et à justifier ses propos.

Mais la direction du parti ne le contactera pas pour lui demander des comptes sur ses allégations, a indiqué mercredi le porte-parole du parti, Michel Rochette.

Devant le refus répété du premier ministre Charest de mettre sur pied une commission d'enquête sur cette industrie, Pauline Marois a conclu quant à elle qu'il avait choisi le clan «du silence et de l'indifférence».

Elle a une fois de plus attribué ce refus au fait « qu'il a trop de liens avec cette industrie de la construction, qui le finance».

Mais selon M. Charest, la chef péquiste dit «n'importe quoi».

Mais ce n'est pas ce que pense le porte-parole de Québec solidaire et député de Mercier, Amir Khadir, qui déposera jeudi une motion en Chambre pour demander au DGE «d'instituer une enquête sur le financement des partis politiques provinciaux afin de faire la lumière sur les allégations de pratiques douteuses liées au financement des partis».

M. Khadir a également formulé une demande en ce sens directement au DGE.