C'est l'escalade. Le refus du gouvernement Charest de donner le feu vert à une enquête publique sur la construction a aiguillonné hier la chef péquiste Pauline Marois.

Et dans une sortie étonnante, devant les militants de son parti, elle est même allée jusqu'à jeter le doute sur l'intégrité personnelle du premier ministre Charest.

C'est parce qu'il ne veut pas «mordre la main qui le nourrit» que Jean Charest refuse de lever le voile sur l'industrie de la construction, a-t-elle laissé entendre.

Le premier ministre reçoit, depuis dix ans, une allocation de 75 000$ par année du Parti libéral, en plus de son salaire de premier ministre, 183 000$ payés par les fonds publics.

«Il a empoché trois quart de millions versés par le Parti libéral. La question se pose: M. Charest, pour qui travaillez vous? Travaillez-vous pour les Québécois qui paient votre salaire de premier ministre ou pour les amis du Parti libéral qui paient votre autre salaire?»

«Je pose la question! Est-ce qu'il serait possible que Jean Charest hésite à mordre la main qui le nourrit. Est-ce que cela expliquerait pourquoi le premier ministre refuse de déclencher une enquête publique sur l'industrie de la construction», a-t-elle laissé tomber, jetant un lourd pavé devant des militants silencieux.

Plus tard le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard indiquera que «tout est correct du point de vue légal», Mme Marois ne s'exposait pas à une accusation en libelle. Plus tôt cette semaine, à l'Assemblée nationale, le député Bernard Drainville avait donné un avant goût de l'escalade verbale avec des questions attaquant aussi personnellement M. Charest. «Le premier ministre se sent-il personnellement responsable» des décès survenus dans les urgences du Québec, avait laissé tomber le député de Marie Victorin.

Après son coup de canon, dans son allocution samedi, Mme Marois a dirigé ses tirs sur l'ensemble du Parti libéral, une stratégie plus prévisible dans un discours destinés aux partisans.

«Tant que le gouvernement ne fera pas la lumière sur les scandales dans la construction, cette odeur tenace de corruption qui flotte sur le gouvernement ne disparaîtra pas» dira la chef péquiste.

Elle a rappelé que déjà trois ministres, Norm McMillan, Julie Boulet et Michèle Courchesne avaient parlé des contributions des «compagnies» au financement des partis. Ils ont expliqué par la suite qu'ils s'étaient fourvoyés -les contributions d'entreprises sont illégales depuis 1977. «Ce qui semblait être un lapsus au début «commence à ressembler à un système» de soutenir Mme Marois.

«Ce dont on aurait besoin en plus d'une enquête sur la construction, c'est une enquête sur le Parti libéral du Québec» a-t-elle lancé.

«Je suis inquiète, ajoute Mme Marois, quand je vois le manque d'intégrité du gouvernement libéral. Ils se refusent à agir pour empêcher des crapules de se remplir des poches avec notre argent. On se retrouve avec un gouvernement qui permet au Parti libéral de piger jusque dans la cagnotte de nos garderies. Il y a un bout à tout.»

«Les fonds publics fuient de partout, dans la collusion quand ce n'est pas dans la corruption» a-t-elle conclu.

Auparavant elle y était allée de déclarations, bien plus prévisibles, pour rappeler que M. Charest qui voulait avoir «les mains sur le volant» les glisserait bientôt dans les poches des contribuables avec le prochain budget.

Elle a aussi accusé M. Charest de négligence face aux intérêts du Québec. Son gouvernement n'insiste plus auprès d'Ottawa pour récupérer les 2,2 milliards$ qui lui sont dus pour avoir harmonité la taxe de vente du Québec à la TPS fédérale à la fin des années 1980.

Les gestes récents d'Ottawa sont éloquents: on a transféré 10 milliards$ pour appuyer l'industrie automobile en Ontario, «on en a eu 170 millions$ pour l'industrie forestière québécoise, 59 fois moins» a-t-elle soutenu.