Avec la multiplication des manchettes, elle paraissait inévitable : la collision entre Jean Charest et Pauline Marois a eu lieu hier à l'Assemblée nationale, avec en fond de scène la mort récente de patients qu'on aura mis trop de temps à traiter.

La chef péquiste estime qu'on assiste à «un véritable dérapage» dans le secteur de la santé. Avant d'être élu, en 2003, Jean Charest s'était engagé à «éliminer l'attente une fois pour toutes» s'il était porté au pouvoir. Le chef libéral soutenait alors : «Nous allons combattre l'attente sous toutes ses formes. Nous allons répondre aux besoins de tous les Québécois, à toute heure du jour ou de la nuit, dans toutes les régions du Québec», a cité Mme Marois.

«En 2010, les urgences débordent comme jamais. Des gens y meurent parce qu'ils sont oubliés dans les corridors. Un homme de 65 ans est mort parce qu'il attendait une chirurgie cardiaque depuis plus de six mois» a-t-elle lancé (le cas de Jean-Guy Pitre a été révélé par La Presse samedi).

«Les services se sont améliorés, les délais se sont amoindris depuis qu'on est au gouvernement» a répliqué Jean Charest. Il a concédé qu'il peut «y avoir des problèmes à des endroits» mais a soutenu que, globalement la situation est meilleure.

Plus tard, le critique péquiste en matière de santé, Bernard Drainville, et le chef adéquiste, Gérard Deltell, ont dressé la liste des patients morts à cause des problèmes de fonctionnement du système de santé : «Mme Bossé, décédée à Sacré-Coeur parce que la salle de réanimation débordait ; Mme Deschênes, décédée parce qu'on l'a oubliée dans un corridor d'urgence à Saint-Jérôme ; Mme Fournier, décédée complètement déshydratée après quatre jours à l'urgence de Maisonneuve-Rosemont» et, enfin, le cas de M. Pitre, mort faute d'une opération au coeur. «Le premier ministre se sent-il personnellement responsable des décès survenus dans le système de santé au cours des derniers jours ?» a même demandé M. Drainville.

Le ton monte

Avec de telles attaques, après deux semaines de congé parlementaire, le ton a vite monté en Chambre. Jean Charest est revenu à la charge en parlant du «saccage» du réseau de la santé auquel Pauline Marois a présidé comme ministre, selon lui, avec «des décisions désastreuses». Réplique mille fois répétée, il a brandi les 10 000 départs à la retraite anticipés qu'a permis le gouvernement de Lucien Bouchard. «Il y avait 4000 infirmières, 1200 médecins, là-dedans», a-t-il lancé. «Le pire, c'est qu'elle a déclaré qu'elle referait la même chose», a-t-il lancé.

Plus combatif que de coutume - il était sorti cramoisi de la réunion des députés, juste avant la période des questions -, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a martelé que 93% des interventions chirurgicales sont réalisées à l'intérieur d'un délai de six mois. Une bonne partie des patients traités au-delà des délais tiennent à ce que l'intervention soit faite par leur médecin traitant. Depuis un an, le nombre de personnes en attente a été réduit de 30 000, a-t-il insisté en réplique à Gérard Deltell.

L'adéquiste juge inacceptable que 23 500 personnes chaque année soient traitées «hors délai» après les engagements qu'a pris solennellement Jean Charest en 2003.

Selon le ministre Bolduc, Québec a toujours des problèmes avec une douzaine d'urgences «autour de Montréal», conséquence selon lui des fermetures d'hôpitaux décidées par le gouvernement Bouchard à la fin des années 90.

Finalement, M. Bolduc a senti le besoin de nuancer ses propos après avoir dit qu'il faudrait cinq ans pour régler le problème des urgences : «J'ai dit "cela va prendre cinq ans" avant qu'on finalise les améliorations... Chaque année, il va y avoir des améliorations significatives.»