Avec un bien mince bilan législatif à présenter ce matin, le premier ministre Charest a choisi de hausser le ton hier pour répliquer à la chef péquiste Pauline Marois, qui réclamait de nouveau une commission d'enquête publique sur la corruption dans l'industrie de la construction.

Pour Jean Charest, tout ce qu'a fait la chef péquiste cet automne est «en ligne directe avec ce qu'elle avait annoncé comme vulgarité». À la fin du film À hauteur d'homme, tourné il y a plus de six ans, Mme Marois entourée de sympathisants leur avait promis que son parti allait «brasser de la marde» à l'Assemblée nationale et être vigilant devant le gouvernement Charest, tout juste élu alors.Pour M. Charest, «au lieu de choisir les vrais enjeux, comme l'économie, la chef péquiste préfère faire dans les poubelles de la politique». Pour lui, le constat de mercredi, déposé par le vérificateur quant à la gestion des fonds FIER est un autre exemple d'une opposition qui fait flèche de tout bois, «de dossier en dossier, chaque ballon a été dégonflé», a rugi M. Charest.

Cela sentait la fin des classes jeudi - en vertu du nouvel horaire, les députés partent aujourd'hui jusqu'au 9 février. On est même venu à un cheveu de partir sur-le-champ; le PQ a gagné une période des questions supplémentaire en refusant d'adopter par consensus le projet de loi destiné à lutter contre le crime organisé dans l'industrie de la construction. Le projet de loi de Sam Hamad, le plus contraignant au pays dans ce domaine, sera adopté aujourd'hui.

Les ministres restent conscrits toutefois - le cabinet du premier ministre a prévu une réunion du Conseil des ministres le 21 décembre, après son retour de Copenhague et Moscou.

Hier même en fin de session, la dureté du ton et des propos a surpris les élus. Le président Yvon Vallières a rapidement senti le besoin de faire une mise en garde et «de faire attention au niveau d'échange que nous tenons». «Je sais qu'on est en fin de session (...) mais les gens qui écoutent savent qu'on peut tenir nos débats dans le respect les uns des autres», a insisté M. Vallières.

Mme Marois ne fut pas en reste après la gifle de son adversaire «irresponsable»: «Le premier ministre devrait se ressaisir et se questionner sur la trace qu'il va laisser dans la politique», a-t-elle dit, accusant M. Charest de se défiler avec des manoeuvres de diversion.

Depuis plusieurs jours, la chef péquiste réclame le déclenchement d'une commission d'enquête publique. En refusant, chaque jour, M. Charest adopte une ligne qu'il répète à satiété; mercredi il accusait son adversaire de vouloir, avec cette commission, faire un procès expéditif, «un tribunal populaire». Hier presque à chaque réponse, il traitait de «vulgaire» l'attitude de Mme Marois.

«C'est une question de transparence», les électeurs «ont le droit de savoir la vérité, ont le droit de savoir si les fonds investis dans nos infrastructures, des milliards de dollars, le sont vraiment et ne vont pas dans les poches de gens qui font de la fraude», a-t-elle lancé.

Maigre bilan

C'est un bien maigre bilan législatif que présentera cet après-midi M. Charest dans la traditionnelle conférence de presse de fin de session. L'Assemblée adoptera le projet de loi 73 du ministre du Travail Sam Hamad, pour lutter contre la criminalité dans le secteur de la construction. Un entrepreneur reconnu coupable pour des infractions criminelles liées à la construction ou de gangstérisme perdra sa licence pour cinq ans. Ce train de mesures, le plus coercitif au pays, avait été déposé dans la foulée des révélations médiatiques sur la pénétration du crime organisé dans la construction. C'est le seul des projets de loi «anticorruption» qui sera adopté avant l'ajournement. Les deux autres, sur le financement des partis politiques, piloté par Claude Béchard, et sur l'adjudication des contrats municipaux, parrainé par Laurent Lessard, sont encore loin de l'adoption.

Le ministre Raymond Bachand a obtenu son projet de loi sur l'encadrement des services financiers, pour permettre le cumul des peines et serrer davantage la vis aux criminels à cravate.

Le projet de loi instituant un code d'éthique pour les parlementaires et la création d'un poste de commissaire à l'éthique est lui resté sur la tablette. Libéraux et péquistes divergent d'opinion sur l'utilité de choisir d'abord le commissaire pour appuyer l'élaboration de la loi.

Finalement le projet de loi 16 déposé par Yolande James, qui visait à encadrer les politiques d'accommodements culturels et religieux des organismes gouvernementaux, est lui aussi resté sur le carreau. Bloquée après la résurgence de la controverse des accommodements raisonnables, la ministre James avait pourtant promis de revenir à la charge dès cet automne.

Les projets de loi 38 et 44 sur la gouvernance des universités et des collèges ont suscité un mouvement de ressac en commission parlementaire - le gouvernement en a suspendu l'étude avant qu'ils puissent être adoptés.