Jean Charest reste sourd aux appels et refuse toujours une enquête publique sur le monde de la construction. Son gouvernement a plutôt proposé, mercredi, une réforme du financement des partis politiques et des courses à la direction et a provoqué l'ire de l'opposition en glissant une réforme de la carte électorale dans le même projet de loi. Cette loi pourra-t-elle être adoptée rapidement, et, surtout, suffira-t-elle à éviter que se reproduisent les scandales qui ont marqué les dernières élections municipales?

Le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Claude Béchard, veut «colmater les brèches» dans la loi sur le financement politique et réagit ainsi aux allégations de financement occulte qui ont fait les manchettes durant la campagne électorale à Montréal.Avec le projet de loi qu'il a déposé mercredi, le gouvernement Charest veut augmenter de 64% les fonds publics versés aux partis politiques. Et pour contrer le financement occulte, il propose d'interdire les dons anonymes, d'imposer des sanctions plus sévères aux contrevenants et d'obliger les candidats à la direction d'un parti à dévoiler leur liste de donateurs.

M. Béchard rejette l'idée de permettre aux entreprises de contribuer au financement des partis politiques, comme le souhaite l'ancien directeur général des élections Pierre-F. Côté, afin de mettre fin au «système» des contributions illégales. Il n'est pas plus favorable à ce que l'État finance à 100% les partis politiques.

Toutefois, le ministre a décidé que le financement public serait plus généreux. Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) verse chaque année une allocation aux partis. Cette allocation représente 0,50$ par électeur, pour un total de 2,8 millions cette année. La somme est distribuée aux partis de façon proportionnelle en fonction du pourcentage de votes obtenus aux dernières élections générales.

Selon le projet de loi, le taux de 0,50$ par électeur - inchangé depuis 1992 - passerait à 0,82$, une hausse de 64%. Les allocations s'élèveraient à environ 4,7 millions par année, plutôt que 2,8 millions.

«Notre volonté, c'est de diminuer la pression sur le financement populaire des partis politiques et d'avoir un financement davantage public des partis politiques», a affirmé Claude Béchard.

Les dons anonymes, faits en espèces, seraient interdits en vertu du projet de loi. À l'heure actuelle, jusqu'à 20% du financement d'un parti politique municipal peut provenir de dons anonymes, un plafond souvent atteint. Mais la loi ne prévoit aucune limite pour les partis provinciaux, qui obtiennent peu de ce type de contribution, selon leurs rapports financiers. D'après le projet de loi, un parti ne pourrait plus passer le chapeau et remettrait un reçu pour tout don.

Les campagnes à la direction des partis seraient dorénavant encadrées par le DGEQ. Un électeur ne pourrait verser plus de 3000$ au provincial, 1000$ au municipal. Les contributions de plus de 200$ seraient rendues publiques. Ce sont les mêmes règles qui prévalent pour le financement d'un parti.

Le projet de loi précise qu'une contribution «doit être faite volontairement, sans compensation ni contrepartie et elle ne peut faire l'objet d'un quelconque remboursement», par un employeur, par exemple. Québec veut éviter que les entreprises contribuent directement ou indirectement au financement des partis, en utilisant des prête-noms.

Le projet de loi prévoit des amendes plus salées contre les personnes ou les sociétés qui violent les règles. Elles s'élèveraient de 1000$ à 60 000$. Ceux qui se seront rendus coupables d'infraction ne pourraient plus obtenir de contrats du gouvernement et des municipalités pendant cinq ans. Un parti politique serait également mis à l'amende lorsqu'un de ses dirigeants ou représentants permet ou tolère une infraction à la loi.

Claude Béchard mènera des consultations sur son projet de loi à compter du mois de février. Les audiences du «jury citoyen» sur le financement politique, créé par le DGEQ, auront lieu à peu près au même moment.

Le Parti québécois estime que les mesures du gouvernement «ne vont pas assez loin». Dans les prochains jours, il proposera d'abaisser le plafond du don permis par l'État (3000$). «Il faut qu'on brise l'idée que donner de l'argent à un parti, ça donne une récompense, a dit le leader parlementaire Stéphane Bédard. La capacité des partis politiques de faire la promotion de leurs idées ne doit pas strictement être liée à la capacité financière de leurs donateurs.» Le PQ pourrait même suggérer que le DGEQ soit le fiduciaire des contributions populaires et qu'il les redistribue aux partis au prorata des votes obtenus aux élections. Selon l'ADQ, les mesures «semblent correctes». Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, se réjouit également des dispositions du projet de loi.

Financement des partis politiques

> Amendes plus élevées pour ceux qui enfreignent la loi.

> Interdiction de verser un don de façon anonyme.

> Hausse de 64% des allocations versées par le DGEQ aux partis.

> Instauration de règles pour encadrer les campagnes à la direction des partis.

> Interdiction d'obtenir des contrats gouvernementaux pendant cinq ans pour toute personne ou entreprise coupable d'une infraction aux règles de financement.

> Crédit d'impôt bonifié pour les petites contributions, le taux passant de 75% à 85% pour les premiers 100$.

Carte électorale

> Instauration d'un nombre minimal de circonscriptions par région.

> Création de deux circonscriptions d'exception, en plus des Îles-de-la-Madeleine: le Nunavik et l'Ungava.

> Adoption d'un nouveau calcul qui ferait passer le nombre de circonscriptions de 125 à l'heure actuelle jusqu'à environ 128 ou 132 circonscriptions, en fonction des propositions à venir du DGE, estime le ministre Béchard.