Le député de Chauveau, Gérard Deltell, est prêt à succéder à Gilles Taillon à la tête de l'ADQ. Le comité exécutif lui confierait les rênes du parti dès ce soir.

Mardi, les collègues de M. Deltell à l'Assemblée nationale ont plaidé en faveur de son couronnement et demandé à Gilles Taillon de quitter la barre rapidement. Y compris François Bonnardel, le lieutenant de M. Taillon. Gérard Deltell s'en remet quant à lui au comité exécutif - dont il est membre - qui doit déterminer comment se déroulera la succession.«J'ai toujours dit que j'étais intéressé. Et ça chemine positivement. On va faire ça selon les règles de l'art. On va respecter l'exécutif, les institutions, les militants. C'est la meilleure façon d'assumer un bon leadership», a affirmé M. Deltell mardi, avant une rencontre du caucus adéquiste à l'Assemblée nationale.

Selon le scénario qui circule à l'interne, M. Deltell serait nommé chef de façon intérimaire ce soir, à l'issue d'une réunion du comité exécutif à Montréal. Sa nomination serait entérinée par les militants plus tard, à l'occasion d'un conseil général.

«C'est au comité exécutif de prendre une décision, et je me gouvernerai en conséquence», a dit Gérard Deltell. Il a refusé de dire ce qu'est le «scénario idéal» à ses yeux car le révéler ne serait pas «une façon honorable d'assumer un leadership».

Le président de la commission juridique de l'ADQ, Marc-André Gravel, a étudié la constitution du parti pour s'assurer que la succession se déroule dans l'ordre. Sollicité pour remplacer Mario Charpentier à la présidence du parti, M. Gravel - un membre fondateur de l'ADQ - est en réflexion. M. Charpentier, qui a été accusé d'avoir manqué à son devoir de neutralité en contribuant à la campagne de M. Taillon, a quitté ses fonctions la semaine dernière.

Les députés Sylvie Roy, Janvier Grondin et François Bonnardel militent en faveur d'un «couronnement rapide», tout comme les fondateurs du parti Mario Dumont et Jean Allaire. Ils souhaitent que Gilles Taillon quitte rapidement, ce que réclament aussi les jeunes adéquistes. «Je pense que M. Taillon n'est pas aveugle. Il voit très bien comment ça va», a dit M. Bonnardel, qui a coprésidé sa campagne. La pression est de plus en plus forte sur le chef démissionnaire, qui voulait partir seulement lorsque son successeur sera élu au suffrage universel des membres. Ce scénario est écarté à l'interne. «Je pense que le parti n'a pas les moyens financiers et la santé émotive pour se payer une autre course à la chefferie», a résumé Sylvie Roy.

La démission de M. Taillon pourrait être jugée effective dès maintenant dans l'éventualité où le comité exécutif désigne comme prévu M. Deltell comme son successeur.

Gilles Taillon ne s'est pas présenté à la rencontre du caucus adéquiste. Le chef démissionnaire ne participera pas non plus à la réunion de l'exécutif. Ses traitements de radiothérapie, pour combattre une récidive d'un cancer de la prostate, débutent aujourd'hui, à Québec. Marc-André Gravel remettra à l'exécutif une lettre dans laquelle M. Taillon exprime ses voeux au sujet du déroulement de sa succession.

En plus de M. Deltell, MM. Bonnardel et Grondin sont membres du comité exécutif. Ils ont vanté les qualités de l'ex-reporter. «Je pense que M. Deltell est un leader, a dit François Bonnardel. Il l'a démontré dans les derniers mois. C'est un parlementaire qui n'a pas encore un an d'expérience, il l'aura le 8 décembre, mais il a démontré une grande capacité de connaissance de ses dossiers, une capacité aussi de rassembler. C'est un bon communicateur, un bon tribun.» Le déûté de Shefford ne regrette pas d'avoir appuyé Gilles Taillon. Mais il ne cache pas sa «déception» devant la tournure des événements, lui qui ne croit pas à la thèse du complot avancée par M. Taillon.

Janvier Grondin, lui, regrette de s'être rangé derrière M. Taillon durant la course à la direction. C'est «difficile de faire plus» pour nuire au parti que ce qu'a fait M. Taillon au cours des derniers jours, a-t-il noté. Mais selon lui, «ce qui arrive présentement, c'est peut-être ce qu'il y a de meilleur pour le parti» puisque Gérard Deltell, qu'il a déjà décrit comme son «poulain», est en voie de diriger le parti. Il avait tenté sans succès de le convaincre de se lancer dans la course le printemps dernier.

Selon Sylvie Roy, Gilles Taillon «était condamné d'avance avec une voix de majorité et une course qui a brassé autant». Comme chef intérimaire, elle était demeurée neutre.

Aucun député n'a obtenu de précisions de M. Taillon au sujet des «aspects un peu troublants» qu'il a découverts dans le financement du parti et qui l'ont mené à appeler la Sûreté du Québec. Sylvie Roy n'est toutefois «pas inquiète». Janvier Grondin a rappelé que le Directeur général des élections vérifie année après année les livres de l'ADQ. «Si des gens ont fait une fraude, ils paieront la note, ils n'auront aucune pitié de ma part», a-t-il dit.