Le Parti québécois a invité le gouvernement à se munir d'une ceinture et de bretelles afin d'empêcher des parents d'acquérir, de façon détournée, le droit d'envoyer leurs enfants dans le réseau scolaire anglophone.

L'opposition officielle a réclamé vendredi que le gouvernement étende les dispositions de la Loi 101 aux écoles privées non subventionnées et qu'il se prémunisse contre toute contestation éventuelle en invoquant la clause nonobstant.

Lors d'un débat avec des représentants du gouvernement, le porte-parole péquiste en matière d'affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier, a affirmé qu'en procédant de la sorte, le gouvernement répondrait de manière définitive à une décision récente de la Cour suprême concernant la Loi 104.

«Ce qui nous permet donc, de corriger la situation, de mettre la ceinture, puis de rajouter les bretelles, parce que les experts nous disent aussi que si on n'utilisait pas la clause «nonobstant, ce serait contesté, mais ça ne veut pas dire qu'on gagnerait en cour», a-t-il dit.

En vertu de la Loi 101, l'accès au réseau scolaire anglophone est réservé aux enfants dont les parents l'ont eux-mêmes fréquenté.

La Loi 104 avait été promulguée en 2002 afin de colmater une brèche dans la Loi 101, par laquelle des parents fortunés inscrivaient momentanément leur enfant à l'école privée anglophone non subventionnée, dans le but de lui permettre d'intégrer ensuite le réseau scolaire anglophone régulier.

Mais le mois dernier, la Cour suprême a tranché en faveur des familles qui contestaient la Loi 104, laissant au gouvernement québécois un an pour s'ajuster.

Le porte-parole péquiste en matière de langue, Pierre Curzi, a soutenu qu'il fallait agir sans tarder et étendre la Loi 101 aux écoles anglophones non subventionnées.

«C'est donc dire fermer cette porte de l'accès au système d'éducation en anglais pour les gens qui n'y ont pas droit, par l'intermédiaire des écoles privées non subventionnées, a-t-il dit. C'est donc revenir à l'esprit même de la Loi 101 et au consensus général des gens au Québec.»

Durant l'échange avec l'opposition officielle, au Salon bleu, la ministre responsable de la Loi 101, Christine Saint-Pierre, a affirmé vendredi que tous les scénarios sont sur la table afin d'empêcher l'accès au réseau scolaire anglophone par des moyens détournés.

«Nous voulons étudier tous les scénarios, je l'ai dit à plusieurs reprises, je le répète, a-t-elle dit. Et nous opterons, en tant que gouvernement, pour la solution qui sera la meilleure pour les intérêts de la nation québécoise.»

Mais Mme Saint-Pierre a plaidé pour la prudence, rappelant que dans le passé, le recours à la clause dérogatoire, prévu dans la Constitution du Canada, n'a pas été sans faire de vagues.

La ministre a rappelé que l'utilisation de cette disposition, pour préserver la Loi 178 sur l'affichage, avait été contestée devant le Comité des droits de l'Homme des Nations unies, en 1989.

«Le comité a conclu que la Loi 178 contrevenait à l'article 19 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, a-t-elle rappelé. On va peut-être me dire qu'il s'agit ici de droits internes dans notre cas, mais il reste que le Québec est fier de sa réputation sur la scène internationale. On ne veut pas retomber dans ce genre de problèmes.»

La Centrale des syndicats du Québec, qui compte 100 000 membres dans le secteur de l'éducation, a pressé le gouvernement d'agir.

Selon le président de la CSQ, Réjean Parent, les 126 écoles anglophones non subventionnées de la province, dont il situe les frais d'inscription annuels entre 3500 $ et 4500 $, constituent une porte d'entrée détournée vers le réseau anglophone public qui est utilisée principalement par des enfants d'immigrants récemment installés au Québec.

«La communauté anglophone souhaite un renforcement de sa base et qu'une partie des immigrants se tourne vers elle, mais ce n'est pas le choix que le Québec a fait dans les années 1980», a-t-il dit lors d'une entrevue téléphonique.