Coup très dur pour l'Action démocratique vendredi: Éric Caire, candidat malheureux à la direction du parti, et son lieutenant Marc Picard, un vétéran élu depuis 2003, claquent la porte de leur parti.

Dégoûtés de l'attitude du nouveau chef Gilles Taillon, ils comptent siéger jusqu'à la fin de leur mandat comme députés indépendants. 

«L'ADQ de Gilles Taillon n'a rien à voir avec le parti auquel j'ai adhéré il y a 10 ans», a lancé M. Caire, qui était venu à une voix de l'emporter sur M. Taillon au vote de la mi-octobre.

Pour lui, M. Taillon a volontairement écarté tous les gens associés à la campagne Caire, il a fait de même pour ceux de Christian Lévesque, l'autre adversaire dans la course à la direction du parti. «Je m'attendais à beaucoup d'ouverture de M. Taillon, on lui donnait une chance mais il fallait qu'il livre... il est autoritaire et je ne sais pas quel genre de premier ministre cela donnerait», a soutenu M. Picard.

«C'est un moment extrêmement difficile pour notre parti. M. Caire et Picard avaient eu des contributions importantes. Il faut se retrousser les manches», a dit en réaction François Bonnardel, un lieutenant de M. Taillon, et chef parlementaire de l'ADQ. M. Caire avait refusé le poste de leader parlementaire, rappelle-t-il. Pour le député adéquiste de Shefford, l'ADQ reste un parti reconnu à l'Assemblée nationale, «on va continuer à se battre pour préserver l'héritage de Mario Dumont et Jean Allaire».

Après être passée de 41 députés à 7 élus aux élections du 8 décembre 2008, l'ADQ se retrouve désormais à quatre députés seulement: «Nous étions quatre aussi après les élections de 2003», a souligné M. Bonnardel.

MM. Caire et Picard affirment avoir pris leur décision il y a une semaine déjà. Ils comptent faire valoir leurs idées, comme Amir Khadir y parvient, tout en étant seul député de sa formation, expliquent-ils. Atteint d'un cancer de la prostate, M. Picard sera moins présent dans les prochaines semaines à l'Assemblée nationale toutefois.

M. Caire n'hésite pas à dire qu'aux dernières élections, «porter la bannière de l'ADQ» l'a désavantagé. Il promet toutefois de ne pas traverser la Chambre, «de ne pas s'accrocher une autre bannière au cou». Les deux députés restent plus évasifs quant à leurs choix après les prochaines élections.

M. Caire ne se fait pas d'illusions sur la possibilité de créer un nouveau parti plus proche de ses idées. Il aimerait que les «lucides», un groupe d'anciens politiciens et d'économistes qui avait proposé un virage à droite à la fin de 2005, «cessent d'être des gérants d'estrade», mais il n'est pas question qu'il prenne la direction d'un mouvement vers un autre parti politique. Même pour l'ADQ, M. Caire soutient qu'il n'a pas l'intention de «jouer à la belle-mère» et de critiquer quotidiennement son ancienne formation.

Pour lui, il est clair que l'ADQ se détourne de ses objectifs, «j'ai commencé à comprendre quand M. Taillon a dit qu'il était contre la mixité en santé... puis qu'il y aurait du changement sans bouleversement». «On ne coupe pas d'arbres sans faire du bran de scie», a dit M. Caire. «Réduire le nombre des assistés sociaux, abolir les commissions scolaires, c'est encore dans le programme du parti. Si Gilles Taillon qui a été au Conseil du patronat pendant huit ans est de centre gauche... je vais virer communiste!» a lancé M. Bonnardel.

M. Caire n'est pas tendre toutefois avec M. Taillon et le président de l'ADQ, Mario Charpentier, après le reportage de TVA qui a obtenu une conversation téléphonique où le président Charpentier réclame que l'on cherche du financement, plus de 20 000$ pour la campagne de M. Taillon. «Paradoxal, c'est le minimum qu'on puisse dire», a lancé sans équivoque M. Caire. Plus tard, M. Charpentier a dans un communiqué soutenu qu'il avait voulu trouver de l'argent pour la campagne de M. Taillon, mais par la suite à la fin avril, l'exécutif de l'ADQ avait décidé que tous les officiers du parti devaient faire preuve de réserve. «J'ai respecté mon devoir de réserve en demeurant discret quant à mon appui à un candidat», a soutenu M. Charpentier. Plus tard, il a toutefois remis un chèque personnel de 3000 $ pour appuyer la campagne de M. Taillon, mais le président de la Commission juridique du parti, Me Marc André Gravel, avait par la suite indiqué que l'exigence de neutralité «élimine la possibilité de contribuer financièrement à l'un ou l'autre des candidats». «Le chèque n'a jamais été encaissé», a soutenu M. Charpentier.

M. Bonnardel s'est retrouvé dans l'eau chaude, parce que dans la conversation téléphonique M. Charpentier disait que «Frank» (François Bonnardel) allait s'occuper de trouver du financement pour M. Taillon. Pour lui le financement de la campagne s'est fait en toute légalité, les rapports seront envoyés au Directeur général des élections.

Le financement des campagnes est «de la gestion interne» pour un parti politique, insiste le député de Shefford.

Pour Éric Caire, que M. Taillon avait laissé sur le carreau lors de la distribution des rôles à l'Assemblée nationale, «il y a encore une place pour un parti de centre droite au Québec». «Je suis orphelin de parti», a ajouté le député de La Peltrie, qui avait dès 1999 joint les rangs du parti de Mario Dumont qui ne comptait alors qu'un seul député à l'Assemblée nationale.

Les deux députés en se retirant ramènent l'ADQ à cinq sièges seulement, mais pour M. Picard, le petit parti ne devrait pas perdre ses privilèges à l'Assemblée nationale. C'est le nombre de députés élus à une élection générale qui établit la reconnaissance du parti, selon lui. En outre, après les élections du 8 décembre, tous les partis à l'Assemblée nationale s'étaient entendus sur des dispositions particulières pour l'ADQ, des mesures qui tiennent jusqu'aux prochaines élections.