Lancé il y a un an, le Plan Nord du gouvernement Charest a beaucoup de plomb dans l'aile. Le projet soulève la colère des autochtones, qui veulent reconsidérer des ententes sur le développement hydroélectrique déjà conclues avec Québec.

Cinq communautés innues, représentant 10 000 personnes, se sont vite dissociées de la vaste opération de consultation lancée hier sur le Plan Nord, un projet qu'elles promettent de boycotter tant que leurs droits ancestraux ne seront pas reconnus. En conférence de presse, George Bacon, le chef de la localité de La Romaine, sur la Côte-Nord (1000 personnes), a même soutenu qu'il comptait renier l'entente conclue avec Québec sur la construction du complexe La Romaine, un projet de 6,5 milliards.

Pour Raphaël Picard (Betsiamite, 3400 personnes), un autre chef innu dissident, «toute l'opération sent l'improvisation. Encore jeudi, on n'avait pas l'ordre du jour de la réunion».

Selon lui, les autochtones «ont un droit de propriété sur les territoires, et ne peuvent être considérés sur le même pied que les maires et les préfets, qui sont des créatures du gouvernement du Québec».

«Dorénavant, a dit M. Picard, il va falloir marcher sur le corps de nos ancêtres et sur nos corps à nous pour qu'il y ait de nouveaux développements sans qu'on y ait participé pleinement. S'il y a lieu d'utiliser des moyens autres que politiques ou judiciaires, nous les utiliserons.»

La ministre Nathalie Normandeau trouve les opposants bien minoritaires. Chez les Innus, dit-elle, «on parle de 5 chefs sur 33».

La ministre a envoyé au micro plusieurs leaders autochtones favorables à la stratégie gouvernementale (la plupart sont intéressés aux contrats liés à la prolongation de la route 138). «On veut être dans le train du développement économique. On est en mode collaboration, pas en mode confrontation», a dit François Bellefleur, chef des Innus de Natashquan (900 personnes).

Selon le ministre responsable des Autochtones, Pierre Corbeil, les Innus ne peuvent se dissocier d'ententes déjà signées. Ils ont déjà reçu de Québec d'importants transferts de fonds convenus dans ces accords et ne voudraient sûrement pas les rembourser, explique-t-on par ailleurs.

Selon Ghislain Picard, le chef de l'Assemblée des Premières Nations au Québec, «la démarche est bien mal partie». «Nos communautés ne sont pas des municipalités, a-t-il dit. Nos relations doivent être de nation à nation. Sans nous, le Plan Nord est un plan mort.»

Un document bien mince

Ce devait être hier un temps fort dans le cheminement du Plan Nord, annoncé il y a un an par Jean Charest au cours de la campagne électorale. Durant toute la journée, plus de 200 personnes ont participé à huis clos à la rencontre présidée par la ministre Nathalie Normandeau. On trouvait une soixantaine de représentants autochtones et d'élus locaux; la plupart des participants étaient des fonctionnaires des ministères concernés. Parmi les absents, le secteur privé et les syndicats, toujours puissants dans les régions-ressources.

Plusieurs participants ont souligné en privé le manque de contenu de l'énoncé soumis par Québec hier. Après un an de déclarations, le Plan Nord se résume encore en un document très vague, d'une vingtaine de pages, qui fait surtout la nomenclature des ressources et des équipements sur ce territoire qui représente les deux tiers du territoire québécois.

Seule décision, Québec a créé deux tables de «partenaires du Nord», l'une qui réunira tout le monde, l'autre seulement des autochtones. L'improvisation a fait en sorte qu'on a ajouté sur-le-champ à cette table la communauté naskapie (2500 personnes à Shefferville), qu'on avait «oubliée».

Tout le monde est convié à une autre séance comparable à celle d'hier, à l'été 2010, a annoncé Mme Normandeau.