Remuant les braises encore chaudes de la controverse qui a mené à la démission du ministre du Travail David Whissell, le Parti québécois a adopté un ton plus agressif, mardi, en affirmant que le projet de code d'éthique du gouvernement est immoral et indécent.

Au premier jour de la reprise des travaux parlementaires, la chef de l'opposition officielle, Pauline Marois, a réclamé une nouvelle fois la nomination immédiate d'un commissaire à l'éthique qui pourra guider l'élaboration d'un projet de loi 48 amélioré.

Annonçant le dépôt, mercredi, d'une motion qui ira dans ce sens, Mme Marois a rappelé les allégations de conflits d'intérêts liés à l'octroi de contrats d'asphaltage à une entreprise de M. Whissell.

Mme Marois a soutenu que M. Charest s'était lui-même discrédité en reconnaissant qu'il avait laissé trop de marge de manoeuvre aux membres du Conseil exécutif, dont son ex-ministre.

«Il s'est disqualifié et il l'a lui-même avoué, nous sommes d'accord avec lui, a-t-elle déclaré en Chambre. Aujourd'hui, le premier ministre tente de rendre légal le projet de loi 48 qui est immoral, illégitime et indécent au plan de l'éthique. Si le premier ministre est vraiment sérieux et sincère, qu'il le démontre en acceptant de nommer immédiatement un commissaire à l'éthique qui va, lui, proposer de vrais standards d'éthique.»

Lors d'un échange en Chambre, M. Charest a accusé l'opposition péquiste de faire preuve d'esprit partisan dans ce dossier et il l'a soupçonnée de vouloir ainsi retarder l'adoption du code d'éthique auquel les parlementaires seront éventuellement soumis.

«Comment se fait-il que ses propres députés, le printemps dernier, en commission parlementaire, ne tenaient pas le même langage, a-t-il demandé. Comment se fait-il que la chef de l'opposition officielle n'est pas capable de dire la même chose deux semaines consécutives?»

Au printemps dernier, le PQ avait accueilli avec réserve le projet de loi sur la création d'un code d'éthique et d'un poste de commissaire pour l'administrer, sans toutefois le descendre en flammes comme a semblé le faire Mme Marois mardi.

La leader adjointe de l'opposition officielle, Agnès Maltais, avait même salué ce premier pas avant de participer à l'étude du projet en commission parlementaire.

Par ailleurs, de retour à titre de simple député, après sa démission la semaine dernière, M. Whissell a donné l'impression de vouloir faire taire toute controverse à son sujet en déposant en Chambre quatre avis du jurisconsulte de l'Assemblée nationale, Claude Bisson, à propos d'allégations de conflits d'intérêts rapportées ces dernières semaines dans les médias.

«Gare à ceux qui vont même prétendre aux allégations de conflits d'intérêts à partir de maintenant, a-t-il dit en regagnant son bureau après la période des questions. Gare même aux médias qui vont même utiliser le mot allégation, sachant que maintenant tous les médias ont reçu l'avis du jurisconsulte.»

Dans l'un de ces documents, M. Bisson affirme toutefois très clairement que son entreprise, ABC Rive-Nord, devrait éviter tout contrat d'asphaltage accordé sans appel d'offres.

«Même si les intérêts du député sont placés dans une fiducie sans droit de regard, l'octroi d'un contrat de gré à gré pourrait laisser percevoir que l'ombre du député n'est pas étrangère au fait que le contrat a été accordé à l'entreprise en question, ce qui pourrait générer un conflit d'intérêts», a écrit M. Bisson dans l'un de ses quatre avis sur des questions qui ont fait l'actualité.

M. Whissell a démissionné la semaine dernière, à la suite de la diffusion d'un reportage de Radio-Canada indiquant que son entreprise avait reçu deux contrats sans appels d'offres dans sa circonscription d'Argenteuil et la région des Laurentides dont il était responsable à titre de membre du gouvernement.

Concernant les autres avis du jurisconsulte, M. Whissell a reconnu que leur valeur était théorique, M. Bisson ayant tiré ses conclusions à partir des faits soumis par l'ex-ministre, sans effectuer d'enquête pour vérifier s'il y a eu des manquements.

«Il faut lire entre les lignes, a-t-il dit. Je lui ai présenté les faits. Il prend les faits et il les transpose dans une situation théorique, avec les mêmes faits.»

Sur la question d'un contrat accordé au cabinet de génie conseil pour lequel travaille l'épouse de M. Whissell, pour la rénovation d'une gare dans sa circonscription, le jurisconsulte a conclu que les représentations effectuées pour le projet par l'ex-ministre ne l'ont pas placé en conflit d'intérêts, une municipalité régionale de comté n'étant pas considérée comme un organisme public.

M. Bisson a aussi jugé que l'embauche à son bureau de circonscription de la fille d'un des responsables de la fiducie sans droit de regard dans laquelle M. Whissell a placé ses actions d'ABC Rive-Nord, afin d'éviter tout conflit d'intérêts, ne pose pas de problèmes.