L'état précaire des finances publiques marquera le retour des parlementaires à l'Assemblée nationale, mardi.

Après le congé estival, les élus reprendront le collier un mois plus tôt que d'habitude, cette année, en retrouvant intact le débat autour du projet de loi 40, laissé en plan en juin, en raison de la fronde des partis d'opposition. Sur fond de crise économique et de baisse de revenus dans les coffres de l'État, Québec mise sur ce projet de loi pour suspendre pendant cinq ans l'obligation qui lui est faite d'équilibrer son budget.

Au printemps, péquistes et adéquistes avaient toutefois conjugué leurs efforts pour bloquer l'adoption du projet de loi, le jugeant trop imprécis. Et ils se promettent de récidiver dès la rentrée, en invoquant leur intention d'éviter d'alourdir le fardeau imposé aux générations futures.

«On ne donnera pas un chèque en blanc à Jean Charest pour la suite des choses», promet le leader parlementaire de l'opposition péquiste, Stéphane Bédard.

Il dit refuser de se rendre «complice» d'un gouvernement qui n'a toujours pas, selon lui, présenté de véritable plan de relance économique, ni de plan de retour à l'équilibre budgétaire.

L'opposition est donc toujours aussi braquée qu'en juin, au moment de l'ajournement des travaux, et ce, malgré l'amendement déposé par le ministre des Finances, Raymond Bachand, qui avait finalement accepté de fixer une échéance claire - 2013-2014 - pour le retour au déficit zéro.

Le ministre tient mordicus à son projet de loi et lance maintenant un appel aux partis d'opposition, qu'il exhorte à se montrer «responsables».

«Le projet de loi 40 est crucial. Ne pas adopter la loi 40, cela veut dire 11 milliards $ de coupures budgétaires et d'augmentations d'impôts brutales, parce que c'est ce que la loi actuelle dit», a soutenu M. Bachand, lors d'un entretien.

Le ministre est pressé et veut voir sa loi adoptée dans les plus brefs délais, bien avant l'ajournement des Fêtes.

«Ce doit être adopté plus vite que ça parce que les comptes publics du 31 mars (pour les états financiers), il faut qu'ils sortent en octobre ou début novembre», calcule le ministre.

La pression sera donc de plus en plus forte sur l'opposition, dont la stratégie consiste à «nous forcer à faire des gestes irresponsables, comme ils ont fait dans le passé, à couper des services, et après nous blâmer d'avoir fait ça», selon M. Bachand.

De son côté, l'opposition adéquiste craint que le gouvernement manoeuvre en vue de cacher les vrais chiffres à la population.

Le gouvernement doit avoir «le courage de dire les vraies choses», plaide le député Marc Picard, qui dit vouloir connaître «les moyens qu'il va prendre pour renflouer les coffres».

Entre-temps, le déficit anticipé cette année devrait atteindre 3,9 milliards $, selon les estimations de mars dernier. Mais l'opposition péquiste craint que le trou dans les finances publiques ne soit encore plus important, en raison de rentrées d'argent moins importantes que prévu.

Le ministre des Finances doit faire le point sur cette question et tracer un portrait à jour de la situation vers la fin octobre.

Sur ce plan, M. Bachand se montre rassurant. Il soutient que, ces derniers mois, les sommes perçues au chapitre de la TVQ ont été «relativement solides» et que la consommation a été «relativement bonne».

«Il n'y aura pas de grande surprise», lors de la mise à jour économique et financière, prévoit le ministre.

On sait déjà, par ailleurs, que le gouvernement veut augmenter les tarifs pour accroître ses revenus et remettre ses finances à flot. Il mènera cet automne une consultation pour tâter le pouls de la population à ce sujet.

Mais aux yeux du porte-parole de Québec solidaire, le député Amir Khadir, au lieu de fouiller un peu plus dans les poches des contribuables, le gouvernement devrait regarder du côté des revenus qu'il pourrait tirer de diverses sources.

«On ferait 2 milliards $ d'économies juste dans le secteur du médicament, car la Régie de l'assurance-maladie pourrait payer les médicaments à moindre coût, et du côté des mines, il y a un autre 500 millions $ à 1 milliard $ par année, si on pouvait toucher les redevances qui nous reviennent, sans compter les redevances sur l'eau», calcule le député de Mercier, en entrevue.

Renoncer à ces sources additionnelles de revenus constitue, selon lui, «un oubli volontaire», de la part d'un gouvernement «de droite» qui ne veut imposer aucune contrainte aux entreprises, «ni environnementales, ni sociales».

Il déplore de plus que Québec se montre laxiste sur le plan de la lutte à l'évasion fiscale.

L'autre grand chantier de la session d'automne aura trait à la délicate question de l'éthique des députés.

Comme dans le cas du projet de loi 40, le gouvernement reviendra à la charge, cette fois avec le projet de loi 48.

L'opposition péquiste est déterminée à forcer le gouvernement à resserrer les règles.

En vertu du projet de loi, les députés - et pas seulement les ministres - pourraient dorénavant être obligés de déclarer tous leurs revenus et leur provenance.

De plus, le PQ tient à la nomination par l'Assemblée nationale, dans les plus brefs délais, d'un commissaire à l'éthique, pour arbitrer tous les cas litigieux qui jusqu'à maintenant étaient réglés à la discrétion du premier ministre.

«Il le faut. On a une obligation de résultats», martèle Stéphane Bédard.