Jean Charest a dû défendre jeudi à Paris le mégaprojet d'aménagement hydroélectrique de la rivière Romaine, sur la Côte-Nord, qualifié de «monstrueux» dans l'influent quotidien Le Monde.

Dans une lettre publiée dans l'édition de jeudi du journal avec mention à la une, l'écrivain Jean-Marie G. Le Clézio soutient que les quatre barrages projetés «anéantiront la plus grande partie de la rivière» en plus de priver de son milieu de vie «la tribu indienne» innue.

Prix Nobel de littérature en 2008, l'écrivain n'est pas tendre à l'endroit d'Hydro-Québec, «une multinationale caractéristique du grand capitalisme» qui s'est assurée du concours «d'une partie de la tribu innue» en échange d'indemnités et «de promesses».

Le «monstrueux projet d'Hydro-Québec», écrit M. Le Clézio, produira de l'électricité qui sera «vendue directement aux Etats-Unis».

Cette sortie virulente contre l'aménagement de la rivière Romaine tombait bien mal pour le premier ministre du Québec qui achevait jeudi un séjour en Europe. Pendant une semaine, à Bruxelles, Munich et Paris, M. Charest n'a eu de cesse de présenter le Québec comme un modèle de vertu écologique.

La publication de la lettre était d'autant plus embarrassante pour le premier ministre qu'il venait de rencontrer, jeudi matin à Paris, le gourou du mouvement environnementaliste français, Yann Arthus-Bertrand, réalisateur du film-choc «Home».

Au terme de son entretien avec M. Charest, le pamphlétaire a prétendu ne rien connaître du mégaprojet de la Romaine. Il a cependant estimé que les grands barrages «ne sont pas la solution».

«Je connais très bien l'impact des barrages et aujourd'hui on sait très bien que les grands barrages ne sont plus la bonne solution», a-t-il argué.

Plus tard, en point de presse, le premier ministre n'a pas cherché à nier les impacts environnementaux du projet de la Romaine.

«Une des réalités de la vie, c'est qu'il n'y a pas d'absolu dans le domaine de l'environnement. Il y a des impacts à tout ce que fait l'homme sur la Terre. Il n'y a pas d'utopie. Et dans le cas de l'hydroélectricité, il y a des conséquences», a convenu M. Charest.

Mais ces conséquences sont moins nocives que le charbon, le pétrole et le gaz naturel, a-t-il pris soin d'ajouter.

Quant aux inquiétudes soulevées par l'écrivain au sujet des populations autochtones, le premier ministre avait une réplique toute prête. Il a brandi une lettre de François Bellefleur, chef de la localité innue de Nutaskuan, qui salue le projet de la Romaine et l'entente conclue entre sa communauté et Hydro-Québec.

En laissant entendre qu'Hydro-Québec a acheté la paix auprès des autochtones, M. Le Clézio flirte avec le paternaliste, selon M. Charest.

«Il ne faut pas infantiliser les Premières Nations, il faut avoir du respect pour elles», a-t-il énoncé.

Du reste, le premier ministre a insisté pour dire qu'il n'était nullement décontenancé par la dénonciation en Europe du chantier.

«C'est un projet important, un projet de 1550 mégawatts. On s'attend à ce que ce genre de commentaire soit exprimé, cela va de soi», a-t-il assuré.

M. Charest a invité M. Le Clézio à se rendre sur la Côte-Nord et à prendre contact avec la coalition locale en faveur du projet.

La controverse en Europe sur l'aménagement de la rivière Romaine risque bien peu d'éclipser en France celle en cours au sujet du port de la burqa, le voile intégral islamique.

Quelques femmes voilées de la tête au pied sont aujourd'hui visibles dans les rues de Paris et surtout dans la banlieue de Lyon, où est implantée une importante communauté musulmane islamique.

Le président Nicolas Sarkozy a récemment exprimé haut et fort son aversion pour la burqa, y voyant non pas un signe d'appartenance religieuse mais un symbole d'asservissement de la femme. La burqa, avait-il clamé, n'est pas bienvenue en France.

Invité à faire part de son opinion sur le sujet, M. Charest est resté prudent.

Pour lui, le port de la burqa relève d'un choix «personnel».

Néanmoins, le Québec n'acceptera jamais qu'une femme au visage voilé puisse exercer un emploi dans le secteur public, a-t-il tranché.

«Ceux qui travaillent dans des fonctions publiques doivent le faire à visage découvert. Le foulard, ça peut toujours aller, mais la burqa, non», a dit M. Charest, évoquant le «bon sens».