La facture du projet de reconstruction de l'échangeur Turcot sera de toute évidence revue à la hausse. La présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay, parle même d'une augmentation possible de 50% à 100%.

En 2007, lors de l'annonce du projet, le gouvernement avait évalué les coûts à 1,5 milliard de dollars. La note pourrait finalement s'élever à 2,25 voire 3 milliards, selon les déclarations de la ministre.

Questionnée par La Presse hier afin de savoir si l'estimation des coûts demeurait la même, Monique Gagnon-Tremblay a offert une réponse qui laisse bien peu de doute sur ce qui adviendra de la facture.

«Ce qui arrive, c'est qu'il y a une différence entre des dépassements de coûts et une estimation réelle», a-t-elle affirmé. Lors de l'annonce du gouvernement, il y a deux ans, le projet était au stade «initial». Une fois qu'un projet de cette envergure est plus avancé, mieux défini, l'estimation «peut varier de 50% à 100% en termes d'augmentation de coûts», a poursuivi la ministre.

Une telle explosion des coûts est possible dans le cas de la reconstruction du complexe Turcot. «Ça peut arriver», a-t-elle reconnu.

«On est en train d'évaluer tout». Par exemple, «si, après les audiences du BAPE, le projet est modifié, ça peut comporter des coûts, et il faut en tenir compte», a-t-elle expliqué.

La ministre a donné l'exemple du nouveau CHUM. En deux ans, la facture a plus que doublé, passant de 850 millions à 1,855 milliard en tenant compte du centre de recherche. «Ce n'est pas parce que c'était des dépassements de coûts. C'était parce qu'ils ont ajouté des blocs opératoires, des salles... Dans celui-là (NDLR le projet Turcot), la même chose peut arriver.»

Selon elle, lorsqu'un projet est au stade «initial», le gouvernement annonce l'investissement minimum requis. «On est capable de dire que ça ne sera pas en bas de tel montant», a-t-elle dit. En juin 2007, Québec prévoyait un «investissement sans précédent évalué entre 1,2 et 1,5 milliard» pour la reconstruction de l'échangeur Turcot. Puis, quand il a annoncé que le projet sera réalisé en partenariat public-privé (PPP) - décision aujourd'hui remise en question -, il notait que «les coûts sont évalués à plus de 1,5 milliard de dollars de 2007».

Monique Gagnon-Tremblay a affiché un certain malaise lorsque les questions sur les coûts du projet se sont faites plus insistantes. «Ma collègue (des Transports, Julie Boulet) est plus au fait des coûts. Moi, je ne peux pas m'avancer là-dessus parce que je n'ai pas pris le dossier vraiment. Même ce matin, ma collègue m'expliquait exactement ce que ça voulait dire la construction. Moi, je ne suis pas de Montréal, je ne sais pas, je ne connais pas ça. Ma collègue me disait ce que ça voulait dire le fait de construire en remblai.»

Un peu plus tôt, lors de la période des questions à l'Assemblée nationale, Mme Gagnon-Tremblay affirmait que le coût du projet était de 1,5 milliard de dollars mais ajoutait que «quand on va donner le feu vert, on va connaître les tenants et aboutissants, et on va avoir les véritables chiffres».

«Le projet ne partira pas et après ça, dans un mois, le maire va dire: il faut ajouter telle autre chose, telle autre chose. On va avoir une estimation réelle des coûts», a précisé Mme Gagnon-Tremblay en entrevue.

La facture pour la construction d'«une salle de spectacle en plein champ, c'est facile à évaluer». C'est une autre paire de manches pour Turcot, «un projet aussi complexe avec autant de choses à faire autour», a-t-elle noté.

Cette histoire rappelle celle de la modernisation de la rue Notre-Dame. Les coûts projetés ont doublé depuis l'annonce du projet, en novembre 2007, passant de 750 millions à 1,5 milliard de dollars. En février, Julie Boulet a demandé à ses fonctionnaires de revoir l'ensemble du projet, un exercice toujours en cours.

Comme pour le nouveau CHUM, Québec envisage de revenir sur la décision de reconstruire le complexe Turcot en PPP et d'opter pour le mode conventionnel, notamment en raison de la crise économique. «Si un moment donné, des éléments du PPP ne sont pas au rendez-vous, il faut que le gouvernement prenne les décisions appropriées», a déclaré Monique Gagnon-Tremblay.

Dans le cas de Turcot, «avec autant d'expropriations, avec beaucoup de logements sociaux, il y a des risques que le gouvernement devra prendre seul. Car si on fait assumer ces risques par des consortiums privés, la prime peut être si élevée qu'on est mieux finalement de prendre les risques nous-mêmes.»

Questionnée à l'Assemblée nationale sur les nombreuses critiques exprimées lors des audiences du BAPE, en particulier celles du maire Gérald Tremblay, Julie Boulet a déclaré que «c'est un projet en constante évolution. Nous sommes à l'écoute. Et ce projet-là sera bonifié en fonction des commentaires du BAPE».

Quelques instants plus tard, Monique Gagnon-Tremblay a répondu au PQ que «c'est faux de prétendre qu'on va ajouter au fur et à mesure constamment. C'est important de contrôler les coûts, c'est important de contrôler les échéanciers, d'éviter les dérapages».

Le projet consiste à reconstruire quatre échangeurs qui composent le complexe Turcot dans le sud-ouest de Montréal où circulent environ 280 000 véhicules par jour. La mise en service est prévue en 2015.