Seulement six mois après sa réélection, le premier ministre Jean Charest se prépare à rebrasser les cartes dans son équipe ministérielle, une opération qu'il devrait réaliser rapidement, après les deux élections complémentaires, lundi prochain.

Selon les informations réunies par La Presse, le cabinet de M. Charest a déjà donné le signal aux ministres et aux employés politiques de ne pas disparaître dans la nature avant le 24 juin. On évalue la possibilité de convoquer tout le monde à Québec, le 23, dès le lendemain de l'élection complémentaire où devrait, sans trop de surprise, être élu l'économiste Clément Gignac dans Marguerite-Bourgeoys. La fenêtre est étroite - tout de suite au lendemain de la Fête nationale, le 25, M. Charest s'envole pour quelques jours en Europe pour une mission officielle.

Dans la multitude des spéculations, tout le monde s'attend à ce que Clément Gignac soit sur-le-champ intronisé au Conseil des ministres, une opération quasi chirurgicale en apparence qui se transformera en jeu de chaises musicales plus important que prévu, indique-t-on. Le scénario «minimaliste», qui consistait à asseoir simplement M. Gignac dans la limousine du Développement économique, est mis de côté au profit d'un brassage plus large des portefeuilles.

L'opération sera d'autant plus payante politiquement qu'elle pourrait tomber après une autre surprise. Dans les cercles libéraux, on mise désormais sur une victoire de Jean D'Amour dans Rivière-du-Loup, la circonscription rendue vacante par le départ de Mario Dumont. La campagne pour le scrutin du 22 juin se déroule dans une complète indifférence ; clairement personne ne veut punir le gouvernement, une bonne nouvelle pour Jean Charest.

Cet économiste pourrait naturellement opter pour le Développement économique ou le Trésor. Mais les apparatchiks libéraux laissent entendre qu'il pourrait tout autant préférer un ministère moins important, histoire de se faire les dents. Il est acquis que le ministre des Finances, Raymond Bachand, sera vite délesté du ministère du Développement économique.

Parmi les récipiendaires possibles de ce portefeuille, outre M. Gignac, on mentionne Pierre Arcand, nommé aux Relations internationales, ainsi que Sam Hamad, actuellement à l'Emploi.

Normandeau bouge

Une ministre changera à coup sûr de limousine. Nathalie Normandeau a bien fait le tour du jardin aux Affaires municipales. Ce sera d'ailleurs un argument de M. Charest: le gouvernement vient d'être réélu, mais beaucoup de ministres occupent les mêmes fonctions depuis la formation du gouvernement au printemps 2007.

Le point de chute de Mme Normandeau sera une surprise; on l'envoyait fréquemment aux Ressources naturelles dans les précédents remaniements. Elle prendrait alors la chaise de Claude Béchard. Certains l'envoient dans le champ de Laurent Lessard, qui a eu maille à partir avec les fromagers et l'UPA dans les derniers mois. À l'Agriculture, le «briefing book» est prêt pour accueillir un nouveau ministre. Ce qui paraît acquis, c'est que la Gaspésienne changera de fonction.

Une remplaçante paraît faire consensus pour les Affaires municipales : Julie Boulet. Dans les précédents remaniements on a déjà parlé de Claude Béchard aux Transports, mais ce dernier voulait rester aux Ressources naturelles. Il vient de déposer un ambitieux plan pour la réforme du régime forestier - sa feuille de route, pour certains ; un héritage, selon d'autres.

On spécule aussi beaucoup sur un mouvement de Line Beauchamp, qui souhaitait rester à l'Environnement toutefois. Les rumeurs l'ont maintes fois envoyée à l'Éducation, sans suites. Cette fois, sur la colline parlementaire, on entend fréquemment parler de la fatigue de Michelle Courchesne, qui a donné tout ce qu'elle avait au mégaministère de l'Éducation.

Jacques Dupuis, le leader parlementaire, conservera cette fonction, à laquelle il tient entre toutes. On lui demandera de jeter du lest - il serait déchargé d'une responsabilité, les Relations intergouvernementales, semble-t-il.

Yves Bolduc, titulaire de la Santé, a eu plus que sa part de problèmes depuis l'élection, mais il devrait conserver son ministère.

Il semble acquis que M. Charest ne pourra conserver la parité homme-femme au sein de son Conseil des ministres, un principe mis en place à la surprise générale, lors de la formation du gouvernement du printemps 2007. Le départ de Monique Jérôme-Forget et l'entrée de Clément Gignac hausse à deux sièges le déficit des femmes. Tout récemment, M. Charest avait refusé de s'engager à respecter ce principe de parité.