Que Louise Harel soit capable ou non de prononcer un discours en anglais ne devrait pas entacher sa candidature à la mairie de Montréal. C'est du moins ce que soutiennent politiciens et représentants syndicaux qui se sont portés à sa défense hier, à la suite des critiques soulevées par sa méconnaissance de la langue de Shakespeare.

Pour le chef du Bloc québécois, la polémique prouve qu'il y a deux poids, deux mesures entre le Québec et le reste du Canada. «Le maire d'Ottawa, capitale du Canada, pays supposément bilingue, où vivent 15% de francophones, ne parle pas français. Est-ce qu'il y a eu une ligne dans The Gazette pour dénoncer cette situation épouvantable? Pas du tout!»

 

Plusieurs élus de la Chambre des communes ne maîtrisent pas les deux langues officielles, a-t-il ajouté. «Et je n'ai pas vu de hauts cris sur des ministres unilingues à Ottawa qui nous répondent en anglais.»

La chef du Parti québécois, Pauline Marois, qui a pour les mêmes raisons fait l'objet de railleries lors de la dernière campagne électorale provinciale, s'est opposée à ce que la connaissance de l'anglais soit un préalable pour tous les élus francophones. «On ne peut pas reprocher (à Louise Harel) d'être unilingue: nous ne vivons pas dans un État bilingue. Le Québec est francophone», a-t-elle déclaré hier en marge d'une manifestation organisée par le Mouvement Montréal français. «On est en train de perdre le nord avec cette histoire. Le Québec est d'abord et avant tout une province francophone, dont la seule langue officielle est le français», a renchéri Claudette Carbonneau, présidente de la CSN.

Plus incisif, le président de la Centrale des syndicats du Québec, Réjean Parent, a crié au scandale: «On est supposément dans la métropole française d'Amérique, et quand une femme de coeur se présente, le reproche qu'on lui fait, c'est de ne pas être capable de débattre en anglais?» Il craint que la polémique ne détourne le débat des véritables enjeux de la campagne électorale. «Il faut éviter de raviver des tensions linguistiques inutiles dans le contexte actuel.»

Loi 101

Quelque 300 personnes, dont plusieurs artistes, se sont rassemblées hier à l'invitation du Mouvement Montréal français pour faire pression sur Québec et Ottawa afin d'établir le français comme langue commune de tous les services publics offerts dans la province.

Gilles Duceppe a dit craindre un recul du français au Québec maintenant que le projet de loi mis de l'avant par son parti, qui prévoit l'application de la loi 101 aux entreprises de compétence fédérale établies au Québec et assujetties au Code canadien du travail, a été rejeté cette semaine par une majorité de députés fédéraux. «Si on n'avance pas, on recule. Le rejet de ce projet de loi, ça veut dire qu'il y a encore 200 000 travailleurs qui ne jouissent pas des prescriptions de la loi 101, dans les banques, les aéroports, les ports, les entreprises de télécommunications. C'est beaucoup», a-t-il déclaré.

Mais selon Luc Thériault, président du Mouvement Montréal français, le repli est déjà bien amorcé et le français est en moins bonne santé qu'à pareille date l'an dernier. «Trente-deux ans après l'adoption de la loi 101, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle manque de vigueur. On tolère le français plutôt qu'on le respecte.»