Foire d'empoigne hier à l'Assemblée nationale. Après avoir été poussés dans les câbles toute la semaine, accusés de négligence à l'endroit des femmes atteintes d'un cancer du sein, Jean Charest et son ministre Yves Bolduc ont rebondi après la publication d'un rapport rassurant des médecins spécialistes.

Dans un échange d'une rare intensité, Jean Charest a même réclamé que Pauline Marois s'excuse d'avoir à tort créé le l'inquiétude chez les patientes. À maintes reprises il a lu les commentaires du président du Conseil des médecins, le Dr Yves Lamontagne, qui avait désapprouvé la polémique politique autour d'un dossier scientifique.

 

Ce dernier avait été très dur, jeudi, à l'endroit des députés de l'opposition, «qui auraient dû attendre les résultats plutôt que de faire de la petite politique» avec cette controverse sur la fiabilité des tests destinés à choisir le type de traitement à prescrire aux femmes atteintes de cancer du sein.

Jeudi, un comité d'experts avait recommandé que le gouvernement mette en place un système national pour vérifier la qualité des résultats des laboratoires de pathologie. Pour répondre à l'inquiétude soulevée par une étude démontrant des variations importantes entre les laboratoires, le groupe de spécialistes avait aussi demandé qu'on revoie, au cours de 2009, les résultats des tests subis par 2100 femmes susceptibles de ne pas avoir eu le meilleur traitement possible après leur premier diagnostic de cancer.

Hier, Mme Marois a d'abord paru ne pas vouloir relancer le débat sur cette controverse, un dossier repris au pied levé par le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard. Ce dernier a réclamé des explications au ministre Yves Bolduc.

Pourquoi la revue des tests médicaux de 2100 patientes ne pourrait-elle remonter avant avril 2008? «Il ne fallait pas aller avant le 1er avril 2008, cela ne donne rien», a répondu le Dr Bolduc.

En fait, la réalité est plus sombre. Pour les spécialistes, l'Herceptin, l'un des médicaments qui peuvent être utilisés selon le type de cancer, n'est pas utile pour des cas qui remontent à plus d'un an. Ce médicament vise surtout à freiner la progression de la maladie; il devient inutile une fois qu'elle s'est installée. «Il n'y a pas de bénéfice démontré à donner de l'Herceptin après une année suivant un diagnostic de cancer», a expliqué hier sans détour l'un des auteurs du rapport, le Dr Bernard Têtu, pathologiste au CHUQ.

Le comité a décidé que, dans le cas des laboratoires qui ont un taux anormal d'erreur - de l'ordre de 25% de «faux négatifs» - «on n'hésitera pas à reculer deux, quatre, cinq, 10 ans!» a souligné le Dr Têtu.

En Chambre, après les coups de semonce du député Bédard, Mme Marois a tenté de poser une question sur un tout autre sujet - la nécessité d'une enquête du vérificateur sur la Caisse de dépôt. C'est alors que l'atmosphère s'est enflammée.

Cramoisi, avec en main le rapport rassurant des spécialistes, Jean Charest était clairement décidé à rendre la monnaie de sa pièce à Mme Marois, qui, à plusieurs reprises cette semaine, avait jeté le l'huile sur le feu et accusé le gouvernement d'indifférence au sort des patientes.

«Comment peut-elle expliquer son comportement irresponsable et odieux, alors qu'elle continue d'inquiéter les femmes du Québec? Comment peut-elle faire face aux femmes du Québec en créant inutilement de l'anxiété?» a lancé Jean Charest. «Je n'ai aucune leçon à recevoir du premier ministre. Moi, je les ai prises, mes responsabilités» a répliqué Mme Marois. Lorsqu'elle était ministre de la Santé, elle avait eu à prendre une décision déchirante: «Quand on m'a indiqué que des femmes pouvaient mourir sur des listes d'attente à cause du cancer du sein, j'ai eu le courage de les envoyer se faire soigner aux États-Unis. J'ai agi!»

Dans le torrent des quolibets qui fusaient des deux côtés de la salle, le président de l'Assemblée, Yvon Vallières, a tenté sans conviction de s'interposer: «Les périodes de questions sont très précieuses... Si à chaque fois c'est la foire...» Peine perdue, l'affrontement s'est prolongé. Pour Jean Charest, Mme Marois «ne regrette pas d'avoir coupé dans la santé. Elle a tellement coupé qu'elle envoyait des gens se faire soigner aux États-Unis! Elle sait pourquoi les Québécois lui diront: «Plus jamais la chef de l'opposition ne fera parti d'un gouvernement au Québec. Plus jamais on ne lui permettra de démolir le système de soin de santé!»» Mme Marois est revenue sur la difficulté de cette décision; Jean Charest a de nouveau évoqué le verdict du Dr Lamontagne... Les protagonistes étaient essoufflés.