Les propriétaires de dépanneurs demandent à Québec de réduire de moitié la taxe sur le tabac, la seule solution efficace selon eux pour enrayer le fléau de la contrebande de cigarettes qui leur fait perdre des millions de dollars par année.

Selon un document du ministère des Finances obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, Québec a enregistré des pertes fiscales de 300 millions de dollars l'an dernier en raison de la vente de cigarettes sous le manteau, ce qui confirme l'estimation qui circulait depuis quelques mois.La contrebande représente pas moins de 30% du marché. Le phénomène est en hausse puisque cette proportion s'élevait à 25% en 2006, selon le même document.

L'Association québécoise des dépanneurs en alimentation (AQDA) accuse le gouvernement d'être responsable de ce fléau avec ses «taxes excessives».

Depuis décembre 2003, la taxe spécifique du Québec sur le tabac est de 20,60$ par cartouche de 200 cigarettes - la moins élevée au Canada. Les revenus de la taxe sur le tabac ont atteint 688 millions de dollars l'an dernier.

«Le marché de la contrebande va mourir juste en diminuant de 50%» la taxe sur le tabac, a soutenu hier le vice-président de l'AQDA, Michel Gadbois. «La plupart des fumeurs de contrebande reviendraient sur le marché légal», a-t-il ajouté, brandissant un sondage prouvant selon lui ses dires. Une baisse de la taxe n'entraînerait pas une hausse de la consommation selon lui.

Les détaillants perdent deux millions de dollars en profit chaque année en raison de la contrebande de tabac. Un dépanneur ferme chaque jour, et «ça s'accélère», a souligné M. Gadbois.

Les associations de dépanneurs entament une tournée du Québec afin de faire pression sur le gouvernement, qui prépare une nouvelle stratégie pour faire la lutte contre la contrebande. Elles font valoir que la contrebande de cigarettes enrichit plus que jamais le crime organisé, les gangs de rue en particulier. Marc Fortin, président de l'Association nationale des distributeurs aux petites surfaces alimentaires, a souligné qu'il est primordial de trouver des solutions aux problèmes sur le plan social en raison de la situation que»le gouvernement a créée en augmentant les taxes de façon aveuglée et excessive».

Les campagnes d'information et les opérations de saisies - les actions privilégiées par le gouvernement pour le moment - sont «inutiles», estime Michel Gadbois.

Selon le ministère des Finances, Québec a saisi pour environ 14 millions de dollars en produits du tabac l'an dernier. Québec a émis des cotisations fiscales de 54 millions et imposé des amendes totalisant 7 millions au cours de la même année.

La Société canadienne du cancer juge qu'une baisse de la taxe sur le tabac serait un «désastre» et augmenterait la consommation. Pour régler «le grand problème de contrebande au Québec», Ottawa doit convaincre Washington d'ordonner la fermeture des usines illégales qui sont en territoire américain, près de la frontière, estime son analyste principal des politiques publiques, Robert Cunningham. «Le problème au Québec n'est pas la taxe, qui est la plus basse au Canada, mais la source des cigarettes de contrebande, les usines illégales», a-t-il dit. La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac estime que les propriétaires de dépanneurs cherchent à protéger leurs intérêts financiers, pas la santé de la population.