C'était la principale réponse du gouvernement Charest à la commission de Pierre Marc Johnson, après l'effondrement du viaduc de la Concorde. Pourtant, l'Agence des infrastructures est mise au rancart pour l'avenir prévisible.

La Presse a appris que le signal en a été donné tout récemment au ministère des Transports. Le projet de loi créant cette agence avait été bloqué tant que le gouvernement libéral était minoritaire. Désormais majoritaire, il passe tout de même à la trappe cette idée, pourtant applaudie par le commissaire Johnson.

 

Tout récemment, le sous-ministre des Transports, Denys Jean, a fait savoir que ce projet d'agence indépendante avait été reporté à un moment indéterminé, une échéance si lointaine en fait qu'on créera, pour avril 2010, une Direction générale des structures au ministère des Transports.

Après le rapport Johnson, le gouvernement avait tenté avec insistance de mettre en place son agence. On avait même pressenti le recteur de l'Université Laval, Michel Pigeon, un ingénieur, pour la diriger. M. Pigeon est devenu depuis député libéral de Charlesbourg.

Pour la ministre des Transports Julie Boulet, cet organisme, qui devait être «indépendant, transparent et compétent», devait réunir sous le même toit tout l'effectif voué à la surveillance, à la préparation et à la planification du parc d'infrastructures du Québec.

À l'époque, le Ministère venait de prendre la responsabilité des 4900 structures, ponts et viaducs qui relevaient jusqu'alors des municipalités, ce qui doublait d'un coup le parc des structures à surveiller. Cette agence aurait dû se présenter chaque année à l'Assemblée nationale et faire l'objet d'une vérification par le vérificateur général. Surtout, le nouvel organisme permettait d'embaucher les spécialistes en dehors des normes salariales du Conseil du Trésor. La ministre Boulet avait alors expliqué que, comme Hydro-Québec pour ses chantiers, le gouvernement devait offrir de meilleurs salaires aux ingénieurs pour les attirer et les garder à son service.

L'agence devait s'apparenter à Hydro-Québec pour ce qui est de la gestion contractuelle et à la Société des traversiers pour sa marge de manoeuvre en matière de gestion de personnel. Le projet loi 53 qui la créait avait été déposé à l'automne 2007. Mais pendant toute l'année 2008, le gouvernement Charest n'avait pu faire avancer son projet: minoritaire, il avait besoin de l'appui de l'ADQ ou du PQ. Or, les deux partis étaient opposés à l'idée. L'ADQ remettait en question le principe même de la délégation des décisions à un organisme externe. Pour le PQ, il aurait fallu redoubler de rigueur pour éviter que cette nouvelle agence ne devienne un lieu de favoritisme.

Informé du fait que l'agence était envoyée aux oubliettes, le président de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ), Michel Gagnon, pavoisait. Déjà, devant la commission Johnson, l'APIGQ avait déconseillé la création d'un organisme externe au ministère des Transports. Selon les ingénieurs, mieux vaut donner plus de ressources, «humaines et financières», au Ministère.

Surtout, insiste M. Gagnon, si la ministre Boulet est cohérente avec ses déclarations de l'an dernier, elle devra reconnaître que, pour attirer et conserver les compétences nécessaires, Québec devra mieux rétribuer ses ingénieurs: «Il faut que le gouvernement règle le problème de la faible rémunération de ses ingénieurs pour être compétitif avec le secteur privé.»

Autre source de satisfaction pour le syndicat, le ministère des Transports est parvenu à échapper à la règle générale qui veut qu'on ne remplace qu'un fonctionnaire sur deux. Cet avantage représente le maintien de presque 600 postes à temps plein en trois ans, dont 150 ingénieurs et techniciens.