Tout député serait désormais obligé chaque année de remettre à un Commissaire à l'éthique une déclaration de ses intérêts personnels et de ceux des membres de sa famille immédiate, en vertu d'un projet de code de déontologie déposé jeudi à l'Assemblée nationale.

Le commissaire, un nouveau poste prévu au projet de loi, aurait le pouvoir d'exiger d'un député qu'il corrige une situation qui le place selon lui dans une situation de conflit d'intérêts.

Un ministre pourrait continuer de détenir des intérêts - placés en fiducie sans droit de regard - dans une entreprise qui transige avec l'État ou son propre ministère, comme c'est le cas pour David Whissel et Pierre Arcand à l'heure actuelle. Mais le commissaire pourrait l'obliger à se départir de ses intérêts, un pouvoir qui est actuellement entre les mains seules du premier ministre Jean Charest.

«Tous les premiers ministres du Québec ont été à la fois juge et partie de leurs directives. Dorénavant, dès l'adoption du projet de loi, cette situation n'existe plus, le premier ministre n'est plus juge et partie. C'est le commissaire à l'éthique qui devient le juge des règles», «une personne indépendante», a affirmé le leader parlementaire et ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis, en conférence de presse.

Le commissaire à l'éthique, qui aurait un pouvoir d'enquête, relèverait de l'Assemblée nationale. Sa nomination devrait être acceptée par les deux tiers des députés. Il pourrait imposer diverses sanctions à un député qui viole le code d'éthique - réprimande, amende, suspension, perte de son siège.

Avec le projet de loi, l'obligation de déposer une déclaration d'intérêts n'est plus imposée seulement aux membres du Conseil des ministres, mais à tous les députés. Un sommaire des intérêts personnels des députés serait rendu public. Il contiendrait par exemple la source et la nature de ses revenus et autres actifs, mais pas leur montant. La semaine dernière, Jean Charest s'était dit favorable à divulguer ses revenus, comme la prime annuelle de 75 000 $ qu'il reçoit du Parti libéral depuis 10 ans.

Un député pourrait avoir des intérêts dans une entreprise qui fait affaire avec l'État, mais le commissaire aurait le pouvoir de lui demander de les placer en fiducie sans droit de regard.

Selon le projet de loi, un député ne peut accepter «un don, une marque d'hospitalité ou un autre avantage que si celui-ci est conforme aux règles de bienséance, de la courtoisie, du protocole ou de l'hospitalité et que s'il demeure d'une valeur raisonnable dans les circonstances». Si un député en accepte un, il devra faire une déclaration au commissaire dans un délai de 30 jours. Ce dernier tiendra un registre public de ces déclarations.

Dans le cas où un député se fait offrir d'aller dans une loge du Centre Bell pour assister à un match de hockey ou de séjourner sur un yacht, soit il refuse, soit il accepte et avise le commissaire qui rend public ce fait presque aussitôt, a indiqué Jacques Dupuis. Comme c'est le cas à l'heure actuelle, un député ne pourrait accepter un avantage qui peut «influencer son indépendance de jugement ou compromettre son intégrité».

En vertu du projet de loi, «si une fonction incompatible à sa charge échoit à un député au cours de son mandat, celui-ci doit se démettre de l'une ou de l'autre dans un délai de 30 jours. Entre-temps, il ne peut siéger à l'Assemblée nationale».

Jacques Dupuis a refusé de dire si Philippe Couillard aurait respecté cette règle, lui qui a conclu un «protocole d'entente» avec son futur employeur plus de cinq semaines avant de démissionner le 25 juin 2008. Il avait négocié son passage chez Persistence Capital Partners, un fonds d'investissement en santé, tout en siégeant au Conseil des ministres.

Jacques Dupuis dit souhaiter que le projet de loi soit adopté à l'unanimité. Mais si l'opposition fait preuve d'un «entêtement illogique», le gouvernement pourrait décider de l'adopter à la majorité.

«Si le gouvernement veut que nous votions à l'unanimité, il faudra qu'il y ait du mouvement», a affirmé la leader parlementaire adjointe du PQ, Agnès Maltais. Selon elle, il est «inacceptable» qu'un ministre puisse avoir des intérêts dans une entreprise qui transige avec l'État - comme c'est le cas pour Pierre Arcand et David Whissel - même s'ils sont placés dans une fiducie sans droit de regard. Le PQ accuse depuis des jours Jean Charest d'avoir abaissé les règles éthiques du Conseil des ministres. Pour le reste, le projet de loi «semble correct», a dit Mme Maltais.